Emily Bronté, fille d’un pasteur anglican rigide, avait deux soeurs Anne et Charlotte et un frère, Branwell. Orpheline de mère, elle eut très tôt des velléités d’écrivain et publiera le roman Les Hauts de Hurlevent, avant de mourir tragiquement à 30 ans de tuberculose.
La vie d’Emily Bronté, mystérieuse, courte, intense recèle bien des zones d’ombre que l’abondante littérature sur son cas n’ont jamais pu vraiment dissipé. Pas plus le cinéma, avec jusque là une évocation baroque par André Téchiné des trois Soeurs Bronté et qui malgré ses qualités, ne levait pas davantage le voile sur la personnalité insaisissable de cette autrice du XIXe siècle que l’on a pu qualifier de « bizarre » ou d’avant gardiste. L’actrice australienne Frances O’Connor, passionnée par cette femme, propose ici un faux biopic dans lequel elle prend volontairement des libertés avec l’Histoire et raconte le parcours initiatique d’Emily, avant qu’elle ne publie son livre légendaire. Elle dote son récit d’une sorte de poésie imaginaire qu’elle mélange avec des faits avérés (l’amour incestueux et platonique que lui vouait son frère Branwell), ses rapports complexes et ambivalents avec ses deux soeurs, et à mi chemin elle dérive nettement vers une romance exaltée qu’elle aurait eu avec un beau vicaire, lui servant accessoirement de prof de français. La réalisatrice insiste sur le caractère rebelle, décalée et frondeur de la jeune fille, pas tout à fait à sa place dans une époque et un environnement familial corseté. Son film, curieusement, provoque deux impressions paradoxales: le récit est à la fois empesé et alourdi de choses superflues (trop de plans de nature faussement contemplatifs et trop de musique appuyant les intentions) et par moments fait jaillir de réelles beautés (les séquences entre Branwell et Emily et la lecture de la lettre dans le cimetière sont très émouvantes).
Outre une certaine élégance dans la mise en scène, Emily bénéficie surtout du charme et du magnétisme de son actrice: Emma MacKey, la belle révélation de Mort sur le Nil et Eiffel, anglaise d’origine, rend grâce à son personnage en le parant de nuances intéressantes. Autour d’elle, le reste du casting ne suscite pas plus d’enthousiasme que ça (notamment le rôle du vicaire tenu par un Olivier Jackson Cohen assez fade). Si O’Connor ne lève pas entièrement le voile sur l’énigme Bronté, elle contourne joliment les pièges du biopic conventionnel et apporte un regard touchant. Pour une première fois derrière la caméra, elle n’a pas à rougir du résultat.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.