Irène Gérard, une jeune bourgeoise futile est bouleversée par le suicide de son jeune fils, dont elle se sent un peu responsable. Son drame personnel lui fait découvrir la misère humaine et les souffrances des autres, à qui elle décide désormais de consacrer toute son existence…
Deux ans après Stromboli et sa première collaboration avec sa muse américaine, Ingrid Bergman, le réalisateur italien Roberto Rossellini se lance dans un mélodrame d’auteur avec de vraies préoccupations morales et politiques, puisque son héroïne dévastée par le chagrin d’avoir perdu son enfant, change radicalement de vie et se sent comme « investie » d’une mission: celle d’aider les plus nécessiteux et d’apporter son amour à des êtres dont elle sent la détresse. Rossellini met en valeur son cher néoréalisme et l’érige même en rigueur morale. Un refus de la vanité d’une société capitaliste, l’utopie marxiste et un certain penchant pour une sorte de grâce divine (inspirée par l’expérience mystique de la philosophe Simone Weil). Le parcours mental d’Irène passe de la bourgeoisie au dénuement de plus en plus marqué, débarrassé du superflu et travaillant même en usine pour comprendre ce que la condition ouvrière a d’aliénant. Europe 51 peut se lire comme un cri de révolte social, tout comme le désespoir « constructif » d’une mère qui se sent coupable de la mort de son fils. Ce portrait féminin devient quasiment celui d’une « sainte », incomprise de ses proches, qui la jugent démente. Rossellini construit son scénario avec modestie, sans effets dramatiques appuyés, tout ce qui advient semble couler de source, traçant un chemin des ténèbres vers la lumière.
Cette lumière, justement, émane totalement de son actrice, Ingrid Bergman, délestée du glamour hollywoodien et de maquillage trop lourd, joue « à nu » et émeut profondément, investie à 200% auprès de son pygmalion et mari à la ville. Cette méditation métaphysique sur la nature du Bien et du Mal nous est racontée avec élégance et sensibilité, atteignant un humanisme fondamental. Avec sa fin ultra lyrique, Europe 51 embellit encore davantage l’image de cette héroïne repentie, toute entière dévouée aux autres et dont la bonté dérange dans une société foncièrement égoïste. Rossellini signe là une très belle oeuvre et son retentissement influencera jusqu’à notre Nouvelle Vague Française.
ANNEE DE PRODUCTION 1952.