Hanté par une enfance martyre, Henry Lee Lucas tue. La seule manière pour lui de se libérer de ses démons. Avec la complicité de Otis Toole, un marginal également tueur en série, il écume les routes des Etats Unis, choisissant ses victimes au hasard. Un jour, Otis reçoit la visite de sa soeur Becky, une fille à la dérive, elle tombe sous le charme de Henry sans imaginer de quoi ce dernier est capable…
Ce film du très confidentiel réalisateur américain John Mc Naughton s’inspire librement du récit authentique du tueur en série Henry Lee Lucas, même s’il prend des libertés avec les événements réels pour appuyer sa dramaturgie. Il n’essaie pas de faire un film d’horreur « ordinaire » sur un assassin sans morale ni pitié, mais juste la description d’un type tuant pour le plaisir, au hasard des rencontres, pour apaiser la souffrance mentale qui est la sienne depuis sa jeunesse, semée de traumatismes. Dans un style proche du reportage avec son image granuleuse, l’aspect très brouillon du scénario alignant les séquences de manière anarchique, Henry horrifie par son caractère réaliste, glauque et par sa fascination pour le Mal absolu. Les crimes ont souvent lieu hors champ, mais quand ils sont filmés, Mc Naughton ne nous épargne aucun détail, usant d’hémoglobine et de chairs mutilées jusqu’à la nausée. Une complaisance certaine peut d’ailleurs lui être reprochée, malgré une habileté incontestable à ne pas prendre de décisions morales au sujet de ce personnage masculin abominable. Avec un tout petit budget, il réussit à rendre crédible cet environnement de paumés, rebuts d’une société qu’ils haïssent et pour laquelle ils se montrent dans leur abjection la plus crue. Un peu dans la même veine que le Maniac de William Lustig, Henry possède pourtant une lueur d’espoir grâce au personnage de Becky, parvenant presque à éveiller une sorte d’amour chez ce tueur psychopathe.
Incarnant le monstre sanguinaire aux traits durs et inquiétants, Michael Rooker a su trouver dans son interprétation toute la rage silencieuse qui l’habite au moment de commettre ses actes atroces, tout en étant quasiment « normal » le reste du temps. Franchissant parfois les limites du supportable visuellement, cette expérience éprouvante connut de graves problèmes avec la censure aux Etats Unis, avant d’être « sauvé » par Martin Scorsese. On peut refuser en bloc la violence frontale dépeinte ici, ou bien reconnaitre qu’il est tout de même courageux de présenter la perversion et le sordide avec un traitement aussi froid. Qu’on le veuille ou non, ce portrait d’un être malsain à l’esprit dérangé reste une référence.
ANNEE DE PRODUCTION 1986.