A Lahore, Haider et son épouse cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir rapidement père. Il déniche un travail dans un cabaret de la ville, où il tombe sous le charme de Biba, une danseuse transgenre magnétique. Il commence à éprouver des sentiments contradictoires, au moment où sa femme lui annonce qu’elle est enfin enceinte…
Joyland a fait l’effet d’une petite bombe cinématographique dans la section Un Certain Regard à Cannes, qui lui a décerné un grand Prix du Jury, avant de remporter quelques mois plus tard la Queer Palm au dernier festival Chéri Chéries. Et pour cause… Ce tout premier film venu du Pakistan, signé par un jeune cinéaste du nom de Saïm Sadiq, coche toutes les cases de l’oeuvre étonnante par excellence. Avec son récit ouvert sur la différence et sur des thèmes multiples (l’amour transgressif, le poids des traditions, la société patriarcale), le film présente des êtres en quête de liberté dans une sphère familiale conservatrice, désireux de travailler et de s’émanciper (pour les femmes) et d’aimer autrement (pour le héros attiré par une danseuse transgenre). La maitrise de la mise en scène permet à la narration de donner de l’importance à chacun, sans s’attarder sur de la psychologie inutile, juste en montrant combien les personnages aspirent à une vie plus épanouie. Ce drame coloré n’est pas trop pesant (du moins à l’exception du dernier quart d’heure, très sombre), les séquences de danse allégeant aussi une ambiance chargée de désir refoulé, de frustration cumulée. La question de la transsexualité ne prend pas le pas sur le reste, et Sadiq n’en fait pas une oeuvre militante, même si l’ode à la tolérance se ressent constamment.
Enfin, il y a la justesse des interprètes (Ali Junejo, Alina Khan et Sania Saeed pour les nommer), investis dans leurs rôles difficiles et dont ils sortent avec les honneurs. La façon émouvante avec laquelle le jeune héros explore sa féminité rend le propos encore plus frappant, au vu de ce Pakistan contemporain, baignant entre contrainte, étouffement et « obligation » d’être un « vrai » homme, au sens le plus viril du terme. Hormis son final extrêmement dramatique, Joyland assume son aspect solaire et intelligent à la fois. Saïm Sadiq: un nouveau cinéaste prometteur à suivre de près!
ANNEE DE PRODUCTION 2022.