Belle, la fille d’un riche marchand, objet de moqueries de ses méchantes soeurs, demande à son père de lui ramener une rose d’un de ses périples. Ce dernier s’égare dans une forêt profonde et cueille une rose dans un domaine appartenant à la redoutable Bête. Celle ci est furieuse. Belle s’offre en sacrifice pour sauver son père, prend la Bête en pitié et finit par s’attacher à elle, malgré sa laideur…
Alors que la guerre touche à sa fin, le grand poète et cinéaste Jean Cocteau entreprend d’adapter un conte de Marie LePrince de Beaumont, afin de s’éloigner des conventions en vigueur à l’époque et d’imposer une imagerie fantastique inédite dans notre cinéma hexagonal. Il fait appel à une conjugaison de talents pour mettre sur pied ce film devenu magique et intemporel pour bien des générations. Tout d’abord assisté par René Clément pour l’aspect technique, Cocteau utilise des trucages quasi artisanaux (déjà à l’origine du Sang d’un poète), épaulé par le chef opérateur Henri Alekan, responsable d’une des plus belles lumières vu sur un écran. Le résultat est prodigieux: une splendeur visuelle constante (les candélabres tenus par des bras nus sortis des murs, les chiens en pierre et les statues de bronze avec leurs yeux vivants, etc…), des mouvements de caméra extraordinaires (le plan séquence où Belle entre pour la première fois au ralenti dans le château est éblouissant), la poésie du récit traitant aussi bien de l’amour que de la mort, de la beauté autant que de la laideur. Ce conte romantique et cruel possède une esthétique digne des tableaux de Gustave Doré ou de Veermer et Cocteau n’en finit pas de nous émerveiller avec ses idées ingénieuses.
La modernité de l’image se retrouve aussi dans les superbes décors de Christian Bérard et dans un noir et blanc admirable, entre ombre et lumière, servant d’écrin au mystère de la poésie. Enfin, si la charmante Josette Day est belle à regarder, c’est bien entendu Jean Marais qui occupe à jamais l’esprit des cinéphiles, dans le double rôle d’un jeune étalon Avenant et surtout de la Bête. Sous un maquillage merveilleusement composé par Arakédian, Marais apporte toute la souffrance ressentie lorsqu’on aime sans retour. Ce n’est pas le dessin animé de Disney ou le très mauvais remake de Christophe Gans qui sont près de faire oublier ce chef d’oeuvre intouchable. Cocteau a atteint au sublime et s’imposa définitivement comme un réalisateur innovant.
ANNEE DE PRODUCTION 1946.