Dès le début de la guerre de 1914, Adrien, jeune et séduisant lieutenant, part à cheval en reconnaissance. Un obus éclate. Il va passer 4 ans au Val de Grâce, dans la chambre des officiers. Une pièce sans miroir, où chacun se voit dans le regard de l’autre. Adrien a été horriblement défiguré et une longue reconstruction mentale et physique l’attendent… Entre désespoir et naissance d’amitiés avec deux autres officiers gravement blessés…
Le regretté François Dupeyron s’était fait remarquer en dirigeant le couple Deneuve/Depardieu pour un Drôle d’endroit pour une rencontre. Avec une intelligence et un flair précis, il a eu l’idée d’adapter le roman de Marc Dugain, racontant le parcours de ce lieutenant d’armée affreusement mutilé par un obus, alors qu’il n’a même pas encore combattu. Sa mise en scène, toute en retenue, en silences, témoigne d’une grande pudeur, et aborde ce sujet difficile avec tact et émotion. La leçon d’humanisme se double d’une réflexion impitoyable sur l’absurdité de la guerre et sur les ravages physiques et mentals qu’elle a fait subir à de jeunes hommes, brisant ainsi leur avenir. Le personnage d’Adrien est fauché en pleine vie, devenant une de ces « gueules cassées » pour qui l’existence ne sera plus jamais la même. Dupeyron ne s’attarde pas inutilement sur des images atroces, il évite le voyeurisme et lorsqu’il filme le visage détruit du héros, c’est pour faire entrer le spectateur en empathie totale avec lui. Pour ces hommes, la survie devient le seul combat quotidien qu’ils doivent mener et le réalisateur montre à travers leurs échanges, leur amitié, toute la souffrance humaine, mais aussi toute la puissance de leur volonté.
Sur une photographie absolument superbe signée Tetsuo Nagata, La Chambre des Officiers déploie des trésors d’audace et de courage pour traiter ce destin terrible et la psychologie forcément bouleversée du personnage principal, remarquablement interprété par Eric Caravaca. Le jeune acteur endosse ce rôle complexe, où il doit s’exprimer par monologues intérieurs et jouer de son regard perdu et dévasté. Face à lui, Sabine Azéma incarne une infirmière d’une douceur extrême, pleine de patience, de bienveillance et André Dussollier un chirurgien facial très optimiste. Les seconds rôles portés par Denis Podalydés et Gregory Derangère, tentant aussi leur réinsertion sociale, apportent un vrai plus à ce drame intimiste. Les petites notes de piano du début ne laissent pas augurer de la violence qui va suivre, mais la force de Dupeyron a été de contourner l’horreur par une constante délicatesse.
ANNEE DE PRODUCTION 2001.