En 1933, un navire allemand appareille de Véra Cruz pour rallier Brême. A son bord, les passagers et officiers apprennent peu à peu à se connaitre et échanger. Il y a Mary Treadwell, une femme aigrie séparée de son dernier mari, Gloken, un nain dont la famille se débarrasse en le faisant voyager, Lowentall un israélite qui se fait des illusions sur le nazisme galopant. Et enfin la Condesa, une noble espagnole addict aux médicaments qui s’attache au médecin de bord, Schumann…
Stanley Kramer, bon réalisateur à la filmographie inégale, adapte le roman de Katherine Anne Porter et accouche d’un de ses films les plus lourds et les plus décevants. En effet situé dans un décor unique (un paquebot allemand), La Nef des Fous part à vau l’au (c’est le cas de le dire) avec sa succession d’histoires entremêlées, les destins de ces passagers réunis pour un voyage commun n’étant que moyennement captivants. Il n’y a d’ailleurs à proprement parler pas d’intrigue, il s’agit davantage d’un film à sketches où il est question d’opposer les classes sociales, de présenter les problèmes existentiels des uns et des autres, leurs démêlés politiques et sentimentaux. Kramer met l’accent (sans subtilité) sur les différences idéologiques à une époque chaotique puisque se profile le spectre de la Seconde guerre mondiale. D’ailleurs, le racisme et l’antisémitisme font partie des conversations (décomplexées) entre ces protagonistes, au milieu d’animations de croisière où l’on danse le flamenco pour passer le temps. La mise en scène, hyper théâtrale, n’aère jamais un scénario bavard auquel on assiste presque comme des témoins indésirables. Les dialogues, très littéraires, peuvent agacer à la longue (surtout que cette grosse production dure 2H25!).
Comme très souvent chez Kramer, le défilé de vedettes rattrape en partie les faiblesses du reste. Ainsi, après Le Dernier Rivage et Jugement à Nuremberg, cette Nef des Fous embarque du beau monde: en premier lieu, Vivien Leigh dans son ultime rôle où elle incarne une dame vieillie avant l’heure et crevant de solitude après une vie amoureuse ratée, Simone Signoret beaucoup moins à son aise en comtesse droguée avec un accent français à couper au couteau, Lee Marvin en noceur invétéré et toujours en quête d’une femme à mettre dans son lit, Oscar Werner campe le médecin cardiaque avec une jolie nuance de jeu, enfin José Ferrer fait un numéro d’allemand ouvertement xénophobe. Cette distribution prestigieuse peut à l’extrême rigueur justifier la vision de ce film aussi boursouflé que daté.
ANNEE DE PRODUCTION 1964.