Un écrivain, Pierre Lachenay, marié à Franca et père de famille, s’éprend au cours d’une tournée de conférences, d’une jeune hôtesse de l’air, Nicole. Il n’assume pas cet adultère au grand jour et vit sa passion dans le plus grand secret. Jusqu’au jour où Franca, soupçonneuse, apprend qu’il lui a menti, elle le menace de le quitter…
Ce quatrième long métrage de François Truffaut vient tout de suite après le triomphe mondial de Jules et Jim, une histoire d’amour à trois. Et de nouveau, il s’agit là d’un trio classique: le mari, la femme, la maitresse, sauf que Truffaut évite de tomber dans un « simple » drame bourgeois pour atteindre le cap de la tragédie. S’inspirant d’un fait divers réel, La Peau Douce frappe par son découpage heurté, son style sec, répondant à l’angoisse du personnage principal masculin, un homme marié pris dans un tourbillon de sentiments qui le dépasse littéralement. L’auteur des 400 coups aborde le triangle amoureux sans romantisme bêbête, sans pathos, un peu comme s’il autopsiait un adultère de l’intérieur, donnant au récit un aspect très clinique. Il filme aussi la sensualité, le désir physique par le biais de plans de pieds se déchaussant, de mains se frôlant, de bouches frémissantes, le corps étant morcelé et cadré de près pour signifier la force de l’attirance charnelle. Et surtout, jamais il ne porte de jugement moral sur cette relation extra conjugale, demeurant un observateur extérieur impuissant à prévenir des conséquences dramatiques à venir. La Peau Douce est un film grave, puissant, radical aussi, plus près de la vie que du cinéma, surtout dans son refus total de happy end factice. La fuite en avant de cet homme cédant au démon de midi prend des accents hitchcockiens lors de séquences filmées, comme chez le maitre, avec le souci d’un suspense latent, réhaussé par la musique tout à fait exceptionnelle de George Delerue.
Truffaut engage un comédien plus souvent vu au théâtre, Jean Desailly, avec qui il n’aura pas de rapports très harmonieux, et qui joue pourtant à la perfection ce mari maladroit, infidèle, lâche aussi. Sa femme est incarnée par Nelly Benedetti, une brune piquante, imposant sa personnalité jusqu’au bout. Enfin, le soleil du film s’appelle Françoise D’Orléac, sûrement dans son meilleur rôle, belle, gracieuse et très fine comédienne, arrachée trop tôt à la vie. Bien plus qu’une banale affaire de tromperie, ces amours clandestines évoquées comme un polar noir trouvent leur apothéose dans un final terrassant. L’échec cuisant de La Peau Douce vient probablement de son implacable traitement, celui dévolu aux passions les plus folles. De ce fait, une oeuvre à réhabiliter absolument!
ANNEE DE PRODUCTION 1964.