Dans les années 20, deux anglaises, la jeune Adela Quested et la vieille dame Miss Moore arrivent en Inde. Adela doit logiquement y épouser le fils de Miss Moore, un magistrat illustre de Chandrapore. Les deux femmes sont frappées par les discriminations raciales galopantes. Elles font la connaissance du charmant Dr Aziz, veuf et à l’excellente réputation. Il leur propose de leur faire visiter l’Inde Authentique, notamment en se rendant aux grottes de Marabar. Mais sur place, un événement inattendu va bouleverser le cours de leurs vies…
Après presque quinze ans d’inactivité suite à l’échec de La Fille de Ryan, le cinéaste britannique David Lean clôt sa carrière en beauté avec cet ultime oeuvre qu’il tire d’un roman de E.M Forster. Lean y renouvelle son attrait pour la fresque spectaculaire mêlée à l’intime et à la psychologie de ses personnages. La Route des Indes prend son temps pour nous charmer, nous séduire par la splendeur de ses images, sa mise en scène assurée et structurée, sa richesse thématique passionnante. En effet, les sujets tels que le choc des cultures, le colonialisme, la domination anglaise ne sont presque que la surface immergée de l’iceberg. La complexité des êtres et les méfaits de l’impérialisme coordonnent un scénario fort bien pensé, où Lean déploie à la fois un humanisme absolu et un regard acéré sur la fin de l’empire britannique dans ce pays mystérieux qu’est l’Inde. L’inde majestueuse avec ses croyances, ses rites, ses superstitions et ses paysages sublimes (les séquences du voyage en train, puis dans les montagnes menant aux grottes émerveillent littéralement). Les protagonistes possèdent chacun leur particularité (Miss Quested passe pour une vieille fille perturbée, Miss Moore pour une dame âgée à la sagesse exemplaire, le Dr Aziz pour l’indien intégré souffrant du mépris des britanniques à son égard et enfin Godbole, le brahmane hindou totalement convaincu de la force inéluctable du destin).
La distribution, peut être un peu plus inégale, reste l’unique petit « bémol » à soulever: si Judy Davis, pâle, froide, incarne bien l’anglaise étriquée chamboulée par une culture dont elle ignorait tout et si Peggy Ashcroft joue délicieusement la vieille dame au milieu du tumulte, le choix de Alec Guinness pour camper un indien reste assez discutable (encore que Lean lui confère un aspect presque burlesque). Avec ce chant du cygne magistral, l’auteur de Docteur Jivago impose sa poésie raffinée, faisant à la fois un grand film historique, politique et un drame humain dans lequel la mort semble guetter à tout instant.
ANNEE DE PRODUCTION 1984.