Primo Spagiarri, ancien paysan devenu grand industriel dans une fromagerie, est en proie à de sérieux doutes. Son fils Giovanni vient d’être kidnappé pratiquement sous ses yeux et Primo ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un coup monté, peut être par son fils lui même qui n’a jamais caché son mépris pour lui…
Après des oeuvres aussi importantes que frappantes comme Le Conformiste ou Le Dernier Tango à Paris (malgré le scandale qui l’accompagna), l’italien Bernardo Bertolucci avait signé une fresque monumentale de 5H intitulée 1900, dans laquelle la condition paysanne se révoltait contre les puissants patrons. Avec cet opus ci, il en effectue en quelque sorte la « suite » puisque de nouveau un riche industriel se trouve en première ligne de l’action, cette fois sous le coup de l’enlèvement de son fils, bousculant ses certitudes et lui faisant considérer l’avenir d’une manière bien sombre. Se voyant déjà ruiné, il imagine la rançon que va lui être imposée par les ravisseurs et comptabilise ses biens en mesurant ses futures pertes. Bertolucci reprend ainsi sa veine politique située dans l’Italie des années de plomb, dans laquelle le terrorisme était monnaie courante, et compose un récit sybillin, aux contours obscurs. En effet, une fois la situation de départ posée, une succession de séquences proches du surréalisme déconcerte, questionne, et le film ne se laisse pas apprivoiser facilement. Ce qui rend ce patron « ridicule » c’est surtout son incapacité à voir que son entourage le dupe sûrement, qu’il est sans doute victime d’une machination (encore que jusqu’au bout on n’en ai pas la certitude). Dans un imbroglio à la fois politique, amoureux, social, l’intrigue semble parfois confuse, du moins insaisissable.
L’auteur du Tango décrit un « héros » dépassé par les événements, impuissant à agir, restant enfermé dans une incompréhension tenace, ne sachant comment rassurer sa femme qui depuis longtemps ne compte plus sur lui. La lutte entre les générations que l’on trouvait déjà dans 1900 prend ici toute la place et la fin pour le moins déroutante laisse au spectateur une libre interprétation. Dans le rôle principal, Ugo Tognazzi, surtout connu chez nous pour son Renato de La Cage aux Folles, éclate dans le registre dramatique et fut récompensé d’un Prix du meilleur Acteur à Cannes. Les femmes aussi occupent l’espace avec une réelle présence: Anouk Aimée, émouvante en mère perdue et épouse blasée, et Laura Morante pour des débuts très prometteurs. Cette Tragédie ne compte pas parmi les meilleurs films de Bertolucci, toutefois il reste assez intriguant et complexe pour susciter un véritable intérêt.
ANNEE DE PRODUCTION 1981.