Professeur à l’université de Caen, une jeune anglaise, Helen Wells, arrive dans une bourgade normande, où elle espère pouvoir louer une ancienne ferme. Mansart, un gars du coin, la guide dans sa recherche. Celui ci organise avec des amis notables des chasses au sanglier. Dans ce groupe, deux frères violent Helen, qui parvient à blesser l’un des deux avec son fusil. Pour éviter le scandale, il faut que les autres fassent taire la jeune femme, qui s’enfuit dans les bois, pourchassée par des hommes prêts à tout…
Second long métrage de Serge Leroy, La Traque a fait grincer des dents le public et la critique de l’époque pour sa peinture radicale et sans concessions d’une certaine France. Dénonçant la lâcheté collective, la misogynie et la violence de ces notables respectables en société et se révélant les pires ordures en privé, Leroy n’use d’aucune complaisance, montre un viol (choquant et filmé avec force), dépeint la détermination de ces hommes à garder leur honneur jusqu’au bout, quitte à tuer. Au delà du simple film de « survival » qu’il aurait pu être, cette oeuvre puissante est une glaçante descente aux enfers (pour l’héroïne autant que pour le spectateur), avec son suspense aigu, sa photographie quasi naturaliste de Claude Renoir, cette virée dans les forêts de Sologne tourne au véritable cauchemar. Même la nature semble hostile, avec ses buissons étouffants, ses marécages sinistres, et ce ciel comme une chape de plomb.
Pour son casting, Leroy s’est entouré de « gueules » comme Michel Constantin, Paul Crauchet, Philippe Léotard et Jean Pierre Marielle, tous effrayants en notaires rentiers de bonne famille, sanguinaires dans l’âme. Leur jeu fantastique participe à l’effroi qu’ils provoquent lorsqu’ils font preuve d’une solidarité masculine abjecte. Face à cette meute, leur victime est fort bien incarnée par la frêle Mimsy Farmer (que l’on avait découverte dans Deux Hommes dans la ville). La violence frontale du sujet a rebuté longtemps et le film est demeuré invisible, il peut faire penser par certains aspects à Délivrance ou La Dernière maison sur la gauche , dans sa description implacable de la « monstruosité humaine ». En tout cas, Serge Leroy signe là son meilleur film, celui qui fait sûrement le plus froid dans le dos.
ANNEE DE PRODUCTION 1975.