A la suite d’un meurtre, les hasards de l’enquête amènent le commissaire Michel Varta à rencontrer le jeune Bernard, un musicien gay qui travaille dans un cabaret, fréquenté par la victime. Petit à petit, les deux hommes nouent une relation de plus en plus étroite, jusqu’à éprouver un désir réciproque. Leur liaison devant rester cachée, du fait de la fonction de Michel et de sa situation familiale: il est marié et père de famille.
Yannick Bellon, réalisatrice sensible de l’Amour nu et des Enfants du désordre, a été courageuse et presque avant gardiste de traiter frontalement de l’homosexualité, à l’époque du tournage de ce drame policier, en 1984. En effet, le sujet était quasi tabou dans le cinéma français, hormis pour s’en moquer avec La cage aux folles, et les mentalités n’étaient pas encore aussi évoluées. D’autant que le personnage principal est un homme viril, marié, papa et…policier! Bref, tout ce qui pouvait être le plus éloigné des clichés habituels, concernant un rôle d’homosexuel. Le pari osé est assez réussi, d’abord par son traitement sensible, délicat, par un scénario habile qui se joue des invraisemblances et au contraire, nous entraîne dans cette histoire très naturellement. Cette romance entre deux hommes démarre par un désir physique que la cinéaste a su filmer de façon pudique et sans tomber dans la démonstration. Les scènes de sexe sont éludées au profit d’une complicité de regards, de frôlements de mains, rendant le rapport amoureux nettement plus fort.
Ce qui est marquant dans cette oeuvre, c’est sa capacité à mettre l’indifférenciation en route, de poser un thème pour ce qu’il est, sans jugement, sans stigmatisation, et en faire un élément de script à part entière, au milieu d’une enquête policière, par ailleurs moins captivante. Montrer l’amour physique entre deux mecs n’était pas le but caché du film, il préfère raconter les conséquences de cette relation, sur les autres personnages, notamment sur la femme de Michel. On peut y voir là une sorte de normalisation à venir des gays dans le paysage de notre cinéma exagonal. Yannick Bellon tente au passage une investigation psychologique et sociale sur la dualité des êtres humains. Les moeurs de ces années là étant encore frileuses, il ne fallait pas se rater.
Les comédiens s’en sortent tous avec les honneurs, surtout Victor Lanoux en flic pris entre devoir et passion, Xavier Deluc troublant jeune homme qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait par la suite. A noter aussi le jeu toujours juste d’Anny Duperey , épouse droite et bafouée qui reste inflexible, ainsi que Michel Galabru tout à fait étonnant dans un double rôle dramatique. La triche est réellement un bon film, à découvrir pour ceux qui l’ont ignoré ou raté à l’époque.
ANNEE DE PRODUCTION 1984