Isa, 20 ans, son sac à dos pour tout bagage et une « philosophie de galère » plutôt souriante, débarque à Lille, à la recherche de petits boulots. Son chemin croise celui de Marie, une écorchée, révoltée contre sa condition sociale. Toutes deux travaillent dans une usine de couture, où elles nouent leur amitié. L’une rêve, l’autre pas!
Pour son baptême en cinéma, le réalisateur Erick Zonka avait d’abord écrit et signé un court métrage Seule, avant de passer au format long et d’accoucher de ce drame poignant, ayant raflé tous les suffrages à sa sortie en 1998. Présenté à Cannes en compétition Officielle, La Vie rêvée des Anges raconte une amitié féminine dans une ville du Nord, grise et sinistre, où il faut trimer pour bouffer, se loger, et bosser, dépendre de patrons durs et autoritaires. Isa la brune et Marie la blonde sont des filles de la débrouille, sans le sou, squattant un appartement laissé vacant par une mère et sa fille, hospitalisées dans un état grave après un accident. Les deux copines s’unissent dans la galère, nouent des liens, se font quelques potes (avec qui elles couchent ou pas) et surtout tentent de survivre dans un quotidien glauque et dans un avenir totalement incertain. Zonka n’a pas peur de dresser le tableau misérabiliste et désespérant de deux vies en suspens, avec deux filles opposées, l’une battante et l’autre à fleur de peau, supportant mal son piteux statut social. Le film n’est pas sombre tout le temps, pas mal de passages apportent même son lot de sourires et de rires, sans que jamais l’aprêté et la dureté ne soient réellement absentes bien longtemps. Entre quête d’espoir et désenchantement impitoyable, le récit nous entraine dans une grisaille épaisse, où il faut s’accrocher aux destins chaotiques de ces deux héroïnes pour entrevoir un peu de lumière. La brutalité de la mise en scène n’a d’égale que son aptitude à capter l’air du temps dans un souci de réalisme très fort.
Isa s’attache à une pauvre adolescente dans le coma à qui elle parle sans savoir si elle est entendue, tandis que Marie s’accroche à un play boy local, s’éprend de lui comme une folle, et y perd son âme tant elle y place d’illusions. Deux parcours dramatiques où chacune va endurer l’épreuve de la souffrance et savoir ou non la surmonter. Double Prix d’Interprétation à Cannes pour les deux actrices absorbées par leurs rôles: Natacha Régnier et Elodie Bouchez crèvent l’écran et nos coeurs avec! Trois Césars sont venus aussi récompenser le film, Elodie, et Natacha en tant qu’espoir féminin. Pas de pathos à l’américaine, juste un drame puissant, dévastateur. Un film qui s’insinue en nous et imprime l’esprit comme une idée fixe!
ANNEE DE PRODUCTION 1998.