Henri Groués a été à la fois résistant, député, défenseur des sans abris, et révolutionnaire. De l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de Paris, son engagement auprès des plus faibles n’a jamais failli. Il devint célèbre sous le surnom d’Abbé Pierre.
Les biopics affluent et se multiplient, souvent décevants, parfois pertinents, rarement extraordinaires, ayant surtout le mérite de faire mieux connaitre la personnalité qui est prise pour sujet. Ainsi, une semaine à peine après Flo, voici L’Abbé Pierre, raconté par le réalisateur Frédéric Tellier. Auteur du très bon Affaire SK1 revenant sur l’enquête et l’arrestation autour du tueur en série Guy Georges, Tellier se penche sur la vie hors du commun de l’Abbé Pierre et en tire un film sinon totalement enthousiasmant, au moins didactique et agréable à suivre. Sa mise en scène plonge à pieds joints dans l’ académisme, à la limite de l’hagiographie, ne cherchant pas à imposer un style trop personnel, comme si le cinéaste avait eu peur de « faire de l’ombre » à l’illustre personnage auquel il s’attache. C’est sûrement la faiblesse principale: aligner les événements par dates, de façon scolaire, suivant un déroulé « sans surprises ». Pour autant, le biopic nous en apprend beaucoup sur le fondateur d’Emmaüs, sur le tournant de son engagement durant l’hiver 54, sur sa relation avec son assistante fidèle Lucie Coutaz, sur son refus de dépendre des subventions d’Etat, et surtout sur son perpétuel combat pour les plus démunis. Et le tout sur 2H15 passant tout à fait sans ennui. L’humanisme et la bonté de l’Abbé nous est transmise par un récit certes lisse, mais néanmoins fidèle et assez ample.
Le film ne serait bien sûr qu’une coquille sans âme si l’acteur choisi pour incarner cette figure mythique n’avait pas été à la hauteur. Succédant ainsi à Lambert Wilson qui tenait déjà le rôle dans Hiver 54, Benjamin Lavernhe (toujours sociétaire de la Comédie Française) livre une puissante interprétation, parvenant à faire jaillir son jeu même sous le lourd maquillage (plutôt réussi) dont il est affublé dans le dernier tiers. A ses côtés, la toujours formidable Emmanuelle Bercot lui donne la réplique, chevelure blanchie, survoltée, la force de caractère pour étendard. La parole de l’Abbé (disparu en 2007) se voit restituée avec une ferveur certaine dans cette biographie filmée et réchauffe un peu les coeurs dans notre monde actuel, qui n’est que brutalité, profit, violence et égoïsme.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.