Nathalie, Eric son petit ami et Bruno, avides d’argent facile, imaginent une technique pour s’enrichir rapidement. La jeune femme met à profit sa belle bouille et ses talents d’actrice pour servir d’appât en boite de nuit. Elle trouve un homme riche et fait semblant d’être séduite. Elle permet ensuite à ses deux complices de s’introduire dans le domicile de l’homme pour le braquer et le voler…
Inspiré du roman de Morgan Sportès, lui même récit d’un fait divers effroyable survenu dans le Paris des années 80, L’appât constitue une des plus incontestables réussites de la carrière de Bertrand Tavernier. Ce polar noir, réaliste et violent suit le parcours de trois jeunes, totalement inconscients, nourris de séries télévisées américaines et de publicités vantant l’argent facile, en manque patent d’idéaux et surtout prêts au pire pour sortir de leur quotidien minable. Une histoire qui fait froid dans le dos par son caractère implacable et par la façon dont Colo Tavernier a brillamment érigé le script de cette descente aux enfers d’une jeune fille, jolie comme un coeur, naïve à l’extrême et qui se laisse embarquer dans une série d’attaques meurtrières contre des hommes qu’elle est en charge de séduire, avant de les mettre entre les mains de ses deux complices. Le cinéaste de L627 restitue l’ambiance d’une série noire, démarrant presque légèrement, et montant peu à peu vers le drame total. Sans juger ses personnages et en dressant juste un constat factuel (d’autant plus fort), ce film sonne juste dans ses dialogues, ne crée pas de situations exagérées et reste fidèle aux événements tragiques qui ont eu lieu. Confondant réalité et fiction, ces tout jeunes tueurs veulent tout tout de suite, au mépris de la vie humaine et de leur avenir qu’ils foutent en l’air sans le moindre scrupule.
Tavernier a eu un flair monstre en confiant le rôle principal à une actrice révélée quelques années auparavant dans Mon Père ce Héros, Marie Gillain, 19 ans à peine et qui est épatante dans sa composition (quasiment tous les plans reposent sur ses épaules). Pour l’accompagner, deux acteurs en vogue à l’époque, Olivier Sitruk et Bruno Putzulu, s’en sortent avec les honneurs dans des rôles pas franchement sympathiques. Enfin, dans des participations secondaires (mais essentielles), on retrouve Richard Berry, Clotilde Coureau et Philippe Torreton, campant dans la scène finale (hallucinante) un des flics du 36 quai des Orfèvres à qui l’héroïne demande avec candeur si « elle pourra rentrer chez elle pour Noêl »! Cet excellent policier fut récompensé à juste titre d’un Ours d’Or à Berlin.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.