Après avoir révélé à sa grand mère qu’elle entre en relation avec les esprits, Eugénie est amenée de force par son père à l’Hôpital Salpétrière, dans l’unité neurologique du Professeur Charcot, alors le spécialiste de l’hystérie. Les femmes internées sont juste des cobayes pour les thérapeutes masculins. Une des dirigeantes en chef du lieu, Geneviève, essaye de « matter » la rebelle Eugénie, avant d’être très intriguée par les dons de la jeune fille…
Pour son sixième long métrage, l’actrice réalisatrice Mélanie Laurent a eu un coup de coeur pour un ouvrage publié il y a quelques années, ayant reçu le Prix Renaudot des Etudiants. Un livre étonnant, écrit par Victoria Mas, la fille de la chanteuse Jeanne Mas. Située à la fin du 19e siècle, l’action se passe dans un centre psychiatrique, alors communément appelé un asile, où des médecins des maladies psy « soignaient » avec des techniques très balbutiantes des patientes, sans distinguer entre elles les handicapées mentales, les dépressives, les illuminées, ou celles qui étaient trop « originales » pour s’ancrer dans une société encore arriérée. C’est le cas de l’héroïne, Eugénie, jeune femme d’une vingtaine d’années, issue d’une famille aisée, que l’on enferme parce qu’elle dit entendre et voir des morts. Sur la base de ce récit original, Mélanie Laurent fait preuve d’une belle maitrise dans sa narration, mais aussi dans sa reconstitution et sa mise en scène. Là où le bât blesse c’est dans le traitement qu’elle fait du surnaturel, elle parvient difficilement à faire partager le trouble de son personnage lorsqu’elle rentre en relation avec des esprits. Heureusement, le propos du film a l’ambition d’être bien plus « large », dans le sens où la cinéaste compose surtout une étude sans concessions sur l’oppression féminine. Décrivant les méthodes inhumaines de docteurs peu scrupuleux, le film dresse un tableau terrifiant de centres psychiatriques que le patriarcat validait haut la main, au mépris des patientes abandonnées de tous.
Ce Bal des Folles ne cherche pas à faire dans le spiritisme ou le fantastique du genre de Sixième Sens, il s’agit plutôt de dénoncer le sort de femmes humiliées, baîllonnées, niées dans leur état, car leur fragilité mentale fut un prétexte pour les rendre invisibles. La distribution compte pour beaucoup dans la réussite du métrage. La jeune Lou de Laage incarne avec force le premier rôle féminin, entre sensibilité à fleur de peau et nature obstinée. Emmanuelle Bercot, toujours excellente, campe une surveillante inquiétante, tandis que Mélanie Laurent elle même s’est réservé le second rôle, qu’elle tient avec une belle intensité. Avec un salutaire élan féministe, ce très bon film oppressant aurait mérité une sortie en salles. Il est seulement visible sur Amazon Prime.
ANNEE DE PRODUCTION 2021.