A Paris, un américain quinquagénaire, détruit par le suicide inexpliqué de sa femme, rencontre par hasard une jeune fille de 20 ans, solitaire, avec qui il va vivre une passion charnelle très forte. Ils se retrouvent dans un appartement vide, font l’amour, sans rien connaitre l’un de l’autre, pas même leurs noms.
Film de tous les scandales, censuré dans bon nombre de pays, interdit aux moins de 18 ans dans d’autres, cette histoire de cul autant que d’amour fut filmée par Bernardo Bertolucci, sorti du récent succès du Conformiste. Empruntant des techniques vues dans la Nouvelle Vague française, il n’hésite pas à pratiquer l’improvisation, alternant avec des séquences très écrites avec d’autres « sur le vif », présentant le sexe de manière crue (autant par le langage que par le visuel), aidé par son chef opérateur Vittorio Storaro qui a fait un remarquable travail sur les couleurs orangées. Utilisant l’espace d’un appartement vide comme huis clos où se déroulent les ébats du couple, Le Dernier Tango à Paris semble refuser toute réalité du monde extérieur, se focalisant sur les échanges corporels et les rapports physiques de ces deux inconnus l’un pour l’autre. Finalement bancale dans sa construction (les intérieurs ont un côté kafkaien glauque, les séquences tournées en décors naturels étant plus « insipides »), l’oeuvre met à mal le Mâle et dénonce sa domination sur la femme. Mais les révélations tardives sur les conditions du tournage et sur les méthodes du cinéaste italien posent de vraies questions morales, difficilement cautionnables dans notre époque moderne. Au delà du sexe, bien sûr le film traite aussi de la solitude infinie des êtres, du poids du passé souvent bien trop lourd à supporter, d’une virilité triomphante qui finit par s’humaniser peu à peu, etc… D’ailleurs, les plus beaux moments surviennent lorsque le personnage masculin « rend les armes », ose afficher sa vulnérabilité, notamment quand il évoque son enfance dans un monologue poignant ou quand il insulte le cadavre de son épouse, rongé par l’incompréhension autour de son suicide.
Que serait le film sans Marlon Brando? Impossible d’imaginer un autre acteur désormais, tant son personnage lui colle à la peau et laisse transparaitre des fêlures jusque là secrètes qu’aucun réalisateur n’avait extirpé de lui. Certainement son dernier rôle majeur avant qu’il ne décide de « saper » ses dons innés d’incarnation. Face à lui, Maria Schneider (19 ans à peine), courageuse interprète d’un personnage qui allait à la fois la consacrer vedette et la précipiter dans des abimes dévastateurs. La séquence de sodomie avec du beurre, ayant été tournée sans son consentement total « pour la beauté de l’Art », crée un malaise certain en la revoyant aujourd’hui. Le Dernier Tango, rythmé par les valses puissantes du saxophone de Gato Barbieri, demeure un indéniable objet de cinéma important, réactualisant l’union entre Eros et Thanatos, ce qui n’empêche que le parfum de scandale se soit quelque peu évaporé depuis.
ANNEE DE PRODUCTION 1972.