Pendant la première guerre mondiale, un anonyme combattant de l’armée de Tomania sauve la vie d’un officier. L’avion dans lequel ils se trouvent s’écrase contre un arbre et le petit soldat est envoyé dans un hôpital, où il restera amnésique vingt ans durant. Il se passe de nouvelles choses terribles à ce moment là: l’arrivée de Hynkel, un dictateur de Tomania persécutant les Juifs avec l’aide de ses deux ministres, Garbitsh et Herring…
Toute ressemblance avec un personnage ayant existé ne serait absolument pas fortuite pour le coup… et c’est bien là l’audace inouïe de Charlie Chaplin, d’avoir réalisé ce pamphlet anti nazi juste à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, alors que Hitler terrorisait son peuple et l’Europe toute entière. En l’amenant non pas sur son propre terrain (celui de l’invective politique), mais bien sur celui du spectacle et du divertissement pour dénoncer ses abus d’autorité, son manque total d’empathie et d’humanisme et en faire un clown. Ce que Charlot n’a jamais cessé d’être au demeurant. En interprétant deux rôles (celui du pauvre barbier juif persécuté dans le ghetto pour ses origines et celui du fameux dictateur sanguinaire) Chaplin règle son compte à Hitler par le biais du rire, de la farce et du burlesque, qu’il maitrise évidemment comme personne. Quatre ans après Les Temps Modernes, ce long métrage du génie comique est son tout premier entièrement parlé, lui qui avait tant tardé à renoncer au muet. A travers des séquences rentrées dans l’Histoire du 7e Art, Le Dictateur montre toute la sensibilité et l’implication politique de Chaplin, avec une causticité, une finesse, un courage qu’on ne lui connaissait pas encore. Si le fond du sujet est foncièrement dramatique, une bonne partie du métrage tend à nous amuser, nous faire oublier l’horreur répandue pendant ce conflit mondial, où tant d’innocents furent tués au nom d’une soit disant « supériorité de races ».
A ses côtés pour leur dernière collaboration , la belle Paulette Goddard joue Hanna (même prénom que celui de la mère de Chaplin), une jeune juive qui entrevoit enfin l’espoir d’un monde meilleur en entendant le discours final clôturant le film, écrit avec le coeur et les tripes. Le message de lutte est clair et parfaitement audible, en opposition totale avec les hurlements et les mots haineux du vrai Hitler dans ses interventions publiques. Deux très grands moments restent en mémoire après la projection: la rencontre cocasse et assez ridicule des deux « empereurs de la peur » (Mussollini étant transformé pour l’occasion en Napolini) et surtout le ballet onirique dans lequel Hynkel jongle avec le globe terrestre, symbole de sa domination illusoire et qui, de façon prémonitoire, lui éclate finalement au visage. Il existe des oeuvres essentielles et nul doute que Le Dictateur fait partie de celles là.
ANNEE DE PRODUCTION 1940.