Jean Marie Fayard, juge d’instruction, a reçu le surnom du Sheriff, en raison de ses méthodes jugées peu orthodoxes. Il est en charge du dossier d’un hold up, pour lequel un des principaux suspects possède un alibi solide, alors qu’il a été formellement reconnu par une victime. Fayard découvre que l’homme est employé par une société de gardiennage, dirigée par Marcheron, un ancien commissaire, connu pour ses rapports étroits avec la pègre.
Inspiré par l’Affaire du Juge Renaud, premier magistrat de France assassiné depuis la fin de l’Occupation, ce film du cinéaste Yves Boisset mélange volontairement et judicieusement plusieurs genres: le polar à la française, solide, carré, avec ses séquences d’action soutenues et le brûlot politique, puisque le héros du film s’entend à dénoncer des complots et des complicités au plus haut niveau d’institutions dites « intouchables », en lien direct avec le banditisme. Boisset dresse un tableau des rapports complexes entre la justice, la police et le pouvoir politique, grâce à un bon scénario de Claude Veillot et à sa volonté de « mettre les pieds dans le plat » sur un sujet dérangeant: l’appartenance du SAC ( Service Action Civique) à des affaires politico financières. Des gangsters parmi des hommes censés être exemplaires: ce sont souvent ces figures que le réalisateur de Dupont Lajoie entend montrer du doigt. Avec audace et courage, ce cinéma engagé n’a pas peur de la démonstration virulente, quitte à être taxé de démagogique. La polémique éclata et la censure s’en mêla à l’époque, contraignant Boisset de supprimer toute mention auditive relatant l’organisation gaulliste. Mais personne n’est dupe et le film conserve son impact et sa force de frappe.
Malgré des zones d’ombres savamment entretenues, le script se veut aussi un policier de facture divertissante, au delà de son propos brûlant. Et il y parvient sans aucun mal. En tête d’affiche et dans le rôle titre, Patrick Dewaere trouve là un de ses personnages les plus forts, acharné, pugnace dans sa quête de vérité et incarne ce magistrat avec une assurance remarquable. Jusqu’à écraser ses partenaires, surtout la débutante Aurore Clément, pas du tout à son aise et très peu crédible. Les autres seconds rôles s’en sortent bien mieux, tels Philippe Léotard ou l’excellent Jean Bouise. Par son punch, sa pertinence et son haletant récit, Le Juge Fayard se classe dans la catégorie des meilleurs films de son auteur et a obtenu le prestigieux Prix Louis Delluc.
ANNEE DE PRODUCTION 1977.