Le jour où Lydia recroise Milos, une conquête d’un soir, alors qu’elle tient le bébé de son amie Salomé dans les bras, elle s’enfonce dans un mensonge, au risque de tout perdre…
Il arrive parfois qu’un tout premier film d’un nouveau jeune cinéaste soit aussi maitrisé que le énième long métrage d’un réalisateur installé et qu’il soit plein de promesses d’avenir. C’est indiscutablement le cas de ce Ravissement, signé d’une dénommée Iris Kaltenback. Surprenant mélange de drame humain et de thriller psychologique, ce récit captivant très finement écrit démarre sur une voix off un peu atone, racontant par étapes progressives le déroulement de l’intrigue. Le plus frappant, en plus d’une mise en scène subtile et soucieuse du tact le plus pointu, c’est la richesse thématique du film: à la fois le portrait d’une jeune femme insaisissable et secrète que sa mythomanie va entrainer dans une spirale infernale et une radiographie du sentiment « maternel ». Qu’est ce qui fait qu’une mère ne ressente pas forcément d’emblée d’attachement pour son nouveau né? Qu’est ce qui fait que sa meilleure amie, crevant d’envie d’être à sa place, peut s’approprier mentalement cet enfant? Qu’est ce qui se passe dans la tête d’une personne enfermée dans un mensonge impossible? Toutes ces questions passionnantes enrobent l’intégralité du métrage, prenant dans un second temps l’aspect d’un thriller jouant avec nos nerfs, notre curiosité à découvrir l’issue de cette histoire, folle sur le papier et pourtant tirée d’un fait divers réel. La complexité des personnages, l’intelligence du trait, le basculement progressif de l’héroïne sont parmi les qualités les plus fortes, ainsi qu’une absence de jugement moral rendant les situations encore plus glaçantes.
Outre Alexis Manenti, remarqué dans Bac Nord, et Nina Meurisse campant l’amie de Lydia (tous deux très justes), la pièce maitresse de cette réussite revient à Hafsia Herzi. Quinze ans après avoir été révélée par Kechiche dans La Graine et le Mulet, l’actrice trouve enfin un rôle superbe qu’elle endosse magnifiquement, lui apportant mystères, nuances et épaisseur. Cette hors la loi, douce en apparence, souffre t’elle d’un déséquilibre mental incurable ou seulement d’un manque criant d’amour la plongeant dans un déni impensable? Le Ravissement, excellente surprise à la Semaine de la Critique à Cannes, aurait largement mérité de figurer au palmarès de la compétition officielle. Retenez le nom d’Iris Kaltenback! Elle fera certainement de nouveau parler d’elle!
ANNEE DE PRODUCTION 2023.