En 1954, Laurent Chevalier, quinze ans, vit la vie normale d’un adolescent dans une famille bourgeoise de province. Son père, gynécologue, est souvent absent et son plus grand réconfort est sa mère, Clara, une belle italienne, joyeuse et désenchantée par le train train quotidien. Elle prend d’ailleurs un amant. Lorsque Laurent se voit atteint d’un souffle au coeur, Clara décide de l’accompagner en cure dans le Morvan. Petit à petit, des rapports étranges se nouent entre eux, le jeune homme est de plus en plus attiré par sa mère…
On n’a bien entendu de toutes parts retenu de ce film son thème « scandaleux » et osé pour l’époque, au mépris de tout le reste: à savoir l’inceste! Or, ce long métrage de Louis Malle, déjà habitué au scandale après le choc que fut Les Amants, est avant tout une chronique à la fois précise et plutôt juste d’une certaine bourgeoisie de province, avec ses coutumes, ses valeurs, et son hypocrisie patente. Ainsi qu’un portrait minutieux d’un adolescent et de ses premiers émois sexuels. Malle passe plus d’une heure à filmer son jeune héros comme avançant à tâtons dans ses expériences avec la gent féminine, couchant même avec une prostituée offerte par ses deux frères ainés (!!). Avec humour et ironie, le réalisateur de Milou en Mai offre un récit semi autobiographique, évoquant aussi bien ses rapports étroits avec sa maman, la distance mise entre son père et lui, dans le contexte particulier d’une famille aisée, où la question de la sexualité n’est pas taboue. Pour renforcer la dramaturgie de son scénario, Malle traite ensuite du désir naissant de ce fils pour sa mère, superbement sensuelle, faisant évidemment référence au roman inachevé de Bataille, Ma Mère, mais se garde bien d’aller trop loin. La seule scène d’un inceste quasiment consommé intervient donc à la toute fin, et qui plus est filmée de manière très chaste.
La postérité a pourtant « isolé » ces quelques secondes, jugeant le sujet hautement « choquant », alors que le tact du cinéaste y est tout le temps mis en avant. Le style naturaliste direct et le montage très serré empêchent toute psychologie inutile de s’installer. Le Souffle au coeur est davantage un film que l’on ressent, plus qu’une explication de texte sur la fixation d’un ado sur sa jolie maman. Le jeune Benoit Ferreux imprime la pellicule face à la magnifique Léa Massari, leur lien semble d’une authenticité remarquable. Louis Malle ne cherche pas la polémique, il s’est surtout appliqué à montrer combien cette période charnière de l’adolescence comporte d’émotions foisonnantes et pleine de confusions.
ANNEE DE PRODUCTION 1971.