Noêl, un ouvrier simple et frustre, est veuf. Il vit avec ses vieux parents près de la carrière de pierre, qu’il dirige. Il recueille bientôt Marthe, la fille d’un de ses camarades, mort prématurément. Il s’éprend d’elle et cette dernière, touchée par sa gentillesse, accepte de l’épouser. Mais à peine mariée, Marthe devient odieuse, prend un amant, et s’arrange pour éloigner les parents…
Tourné sous l’Occupation allemande et pour la firme Continental (sous l’égide du régime nazi), voici un drame réaliste méconnu signé Maurice Tourneur, qui frappe par son extrême noirceur. Ce réalisme cru n’empêche pas le script de se pencher sur le milieu ouvrier et d’en délivrer un précieux document, le rude labeur d’extraction des pierres est traité frontalement, en parallèle d’une histoire d’amour, dans laquelle la passion aveugle le héros. Dans ce décor qu’utilise très intelligemment Tourneur, le patron de la carrière s’entiche d’une fille de mauvaise vie, qu’il épouse pour son plus grand malheur. Le personnage féminin est une garce calculatrice, vénale et infidèle, campée par Ginette Leclerc, comme un prémice à son rôle légendaire du Corbeau, qu’elle tiendra la même année. En femme fatale maléfique, elle impose une sensualité agressive qui détonne évidemment dans ce monde ouvrier machiste et conservateur.
Tourneur ne prend pas de pincettes pour décrire des personnages veules, faibles et dupés par leurs sentiments. Seul le couple des parents (des petits vieux attachés à leurs meubles anciens et à leur terre) possède une vraie bonté et sont les plus clairvoyants. Le Val d’Enfer est une des illustrations les plus pointues des valeurs morales glorifiées par la France de Pétain. Le respect du patriarcat, le repentir et la famille honnête et droite sortent vainqueurs de cette fiction sombre et jusqu’au boutiste. Il y a quelque chose de commun avec le néoréalisme italien de Rossellini dans la mise en scène de Tourneur, constamment éprise d’authenticité, de vérité. L’idéologie de Vichy a beau parcourir l’ensemble du film, le traitement demeure étonnant encore aujourd’hui et mérite d’être redécouvert, au moins pour son actrice, et comme un témoignage d’une certaine France rurale.
ANNEE DE PRODUCTION 1943.