François, un gamin de 10 ans de l’Assistance Publique, placé dans une famille adoptive du Nord de la France, se montre trop turbulent et perturbateur, pour être gardé. Il est alors admis chez un vieux couple, qui a déja élevé un autre garçon, Raoul. Il trouve avec eux réconfort et compréhension. Ce qui ne l’empêche pas bientôt de reprendre ses incartades…
Cette toute première oeuvre de Maurice Pialat devait à l’origine être un documentaire sur les enfants issus de l’Assistance Publique. Il a étoffé son scénario autour d’un seul personnage, le tout jeune François, et suit son quotidien en montrant quel enfant écorché, instable et même cruel il peut être. Pialat utilise de longs plans fixes, une caméra scrutant au plus près ses acteurs (pour la majorité des non professionnels), captant leur vérité profonde, comme il le fera d’ailleurs dans tout le reste de sa carrière. Posant un regard sans concessions et d’une grande dureté sur le manque d’amour originel (la mère biologique du petit l’a proprement abandonné), sur les carences affectives et sur les conséquences qui en découlent. Le gamin n’est bien sûr pas mauvais en soi, il se débrouille avec ce qu’on lui a donné et multiplie les « conneries » pour attirer surtout l’attention sur lui. Le réalisateur ne se censure pas lorsqu’il doit filmer des séquences difficiles (la persécution du chat par exemple), mais contrebalance cette violence avec d’autres d’une tendresse inouie (le rapport étroit et complice avec Mémère, la grand mère très âgée du foyer).
Le film montre une révolte viscérale, la blessure muette d’un enfant très mal parti dans son existence, et dont l’abandon ne pourra jamais être guéri par d’autres êtres, même aussi aimants que ce petit couple de retraités, plein de bonnes intentions. Sans pathos ni artifices, Pialat montre les choses telles qu’elles sont, davantage comme un constat brut, sans chercher à dresser un plaidoyer. Alors qu’importe qu’il n’y ai pas de structure établie au niveau du récit, le manque de continuité dans les scènes n’est jamais dérangeant, l’innocence sacrifiée touche en plein coeur. Comment ne pas penser aux 400 coups et au jeune Antoine Doinel, lui même adolescent révolté et têtu? Rien d’étonnant justement que Truffaut ait désiré produire cette très belle oeuvre, un peu jumelle de la sienne. Avec encore davantage de sécheresse peut être. Prix Jean Vigo.
ANNEE DE PRODUCTION 1968