Résistant à la censure du pouvoir, l’Abbé Grandier s’oppose à l’autorité du Roi Louis XIII, mais au couvent de ce dernier, l’inquiétante Mère Jeanne des Anges se déclare possédée par le diable. Voyant une occasion rêvée d’éliminer Grandier, le roi en profite pour l’accuser de sorcellerie…
Inspiré d’un fait divers réel survenu au XVIIe siècle, appelé « Les possédées de Loudun », Les Diables fut tout d’abord un livre d’Aldous Huxley, avant d’être adapté par le réalisateur britannique Ken Russell, auteur du scandaleux Love. Ce passage au grand écran donne le tournis à plus d’un titre: Russell accouche d’une oeuvre baroque, furieuse, sulfureuse, à la fois anticléricale et pamphlet contre les intolérances. L’Eglise en prend pour son grade, mère de toutes les frustrations, sexuelles surtout et le film montre aussi bien le libertinage d’un prêtre pourtant dévoué à sa foi que des bonnes soeurs hystériques et totalement excitées par l’attrait physique que Grandier leur inspire. Le récit déballe donc de la violence, de l’érotisme et une imagerie puissante avec des plans incroyables. Visuellement somptueux (saluons les décors de Derek Jarman), un intense onirisme s’entremêle à une démesure lyrique fascinante, Russell semble avoir mis tout son imaginaire et ses forces vives dans ce projet démentiel. Sur une chorégraphie endiablée (c’est le cas de le dire!), une musique stridente et destructurée, et dans une atmosphère fiévreuse, voire maladive, Les Diables nous en met plein la vue et il est proprement impossible de détourner le regard tant certaines séquences sont hallucinantes.
Cette tragique histoire de nonnes recluses et frustrées, accusées à tort de possession démoniaque, livre un vibrant message humanitaire prônant le droit à la différence, à la liberté de chacun, et dénonçant l’Eglise autant que les enjeux politiques en question. Enfin, les compositions d’Oliver Reed et de Vanessa Redgrave forcent l’admiration par leur puissante incarnation, ils semblent comme transfigurés par leurs rôles. Ce film hors normes connut les affres de la censure dans à peu près tous les pays du monde, subissant multiples coupes, et devenant un objet filmique blasphématoire assez peu souvent projeté et cantonna son auteur dans un cercle de « cinéastes maudits », condamnant son oeuvre à une certaine invisibilité. Le final, autour de l’exécution sur le bûcher de l’Abbé Grandier, crâne rasé et supplicié, évoque un peu La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. A la différence notable du son, car chez Russell, les cris, le bruit, la fureur viennent en prime soutenir des images déjà très fortes. Bref, en un seul mot, un film incroyable!
ANNEE DE PRODUCTION 1971.