Fred, Al et Homer sont trois vétérans de la Seconde Guerre mondiale, confrontés à des difficultés de tous ordres à leur retour à la vie civile. Fred, héros au combat, incapable de rivaliser avec des travailleurs plus qualifiés, Al mutilé et amputé des deux mains ne retrouve pas l’engouement affectif pour sa petite amie Wilma, Homer se sent déphasé et impuissant à se guérir de ses traumatismes…
Quelques mois seulement après la fin de la guerre et avec une audace exemplaire, William Wyler, un des plus renommés réalisateurs d’Hollywood, compose ce mélodrame autour des retombées psychiques du conflit armé sur la vie de trois anciens soldats, revenus dans leur chère Amérique, soit blessés moralement, soit diminués physiquement. Un sujet presque aussi casse gueule que celui qu’évoquait Rossellini la même année avec Rome Ville Ouverte, car le monde n’avait pas encore pris la pleine mesure des horreurs perpétrées pendant plus de cinq ans. Avec son savoir faire, Wyler tisse une mise en scène pudique, dépeignant les différents tourments (affectif, professionnel, familial, etc..) subis par ces héros se débattant tant bien que mal pour retrouver une existence « normale ». Qu’il soit nanti, petit bourgeois, ouvrier, ces hommes souffrent d’une même douleur: ne plus être ceux qu’ils étaient avant le conflit. Grâce à un scénario posant un regard bienveillant sur chacun d’entre eux et surtout une belle photographie en noir et blanc de Gregg Toland, Les Plus belles années de notre vie impose son classicisme assumé et son souci de réalisme forcené. Les intrigues sentimentales traités en filigrane dans le récit n’ont pas toutes un intérêt égal, le climat et le pouls du pays alors encore « sonné » étant bien plus passionnant à suivre.
Concernant le casting de cette saga, Wyler a privilégié des noms connus au détriment de trop grandes stars. Ainsi, on retrouve Dana Andrews (Laura), Frederic March (Sérénade à trois), Mirna Loy et Teresa Wright (L’Ombre d’un doute) et il confie le rôle de Al à un non professionnel, Harold Russell, vrai mutilé de guerre (vivant avec deux crochets en guise de mains) et qui apporte la caution « véracité » au propos. Cette oeuvre humaniste constitua un véritable espoir pour la réhabilitation des vétérans, sachant émouvoir sans forcer le trait, et qui récolta à juste titre sept Oscars, parmi les prestigieux Meilleur Film, Réalisateur pour Wyler et Acteur pour March. Il fait en prime office de témoignage d’une époque. Sur les problèmes engendrés par les traumatismes de guerre, ce film préfigure en tout cas le Voyage au bout de l’enfer, tourné presque trente ans plus tard par Michael Cimino.
ANNEE DE PRODUCTION 1946.