Jeune femme douce et effacée, Eve White mène une vie sans problème avec son mari Ralph et leur petite fille Bonnie. Jusqu’au jour où elle présente des troubles du comportement préoccupants, menaçant notamment de s’en prendre violemment à son enfant. Son époux la pousse à consulter un psychiatre qui lui découvre d’abord une seconde personnalité, celle d’Eve Black, femme abusive, perverse et aguicheuse. Quelques mois plus tard, alors qu’un traitement n’a pas réglé la question, Eve révèle une troisième personnalité: celle d’une femme posée, réfléchie, qui dit ne pas connaitre les deux autres versants de sa « personne »…
Depuis le milieu des années 40, Hollywood a affiché un penchant très net pour la psychanalyse que le cinéma va alors vulgariser, théoriser, disséquer « à sa façon » dans des oeuvres parfois brillantes (La Maison du Dr Edwardes d’Hitchcock ou Le Secret derrière la porte de Lang), parfois de façon moins convaincante avec Troublez moi ce soir ou Lillith de Rossen. Dans le domaine de la psyché féminine, Les Trois Visages d’Eve tend se démarquer surtout par sa caution « véridique », puisqu’il traite d’un cas clinique réellement étudié aux Etats Unis et ayant vu une femme habiter trois personnalités différentes! Une aubaine pour les psychiatres penchés sérieusement sur cette rareté que Nunnally Johnson, très bon scénariste de studios (Les Raisins de la colère, c’est lui!) prend comme matière de son récit et qu’il souhaite mettre lui même en scène! Il s’avère beaucoup moins doué derrière la caméra d’ailleurs et ponctue son film de séquences explicatives et démonstratives nuisant au propos. Il n’évite pas non plus les lourdeurs et son point de vue sur la psychanalyse reste assez simpliste. Les changements de personnalités de l’héroïne ne viennent pas toujours de façon très subtile et enlèvent de la crédibilité à l’ensemble.
En fait, le seul véritable intérêt de ce film un peu oublié réside dans l’interprétation de Joanne Woodward, alors plus connue pour être la femme de Paul Newman dans la vie, et qui explose là en démontrant des aptitudes d’actrice stupéfiantes! Endossant un rôle idéal pour plaire à l’Académie des Oscars (jouer une malade physique ou mentale est toujours un bon point pour eux!), et ça n’a pas loupé: elle obtint la précieuse statuette en toute logique! Son partenaire, Lee J.Cobb, campe le psychiatre en charge de la guérir et pourtant bon d’habitude, semble ici mal à l’aise. La « résolution » finale, hyper hollywoodienne, règle en deux coups de cuillère à pot le mystère insondable de cette femme insaisissable. Passons…
ANNEE DE PRODUCTION 1957.