Alors qu’il entame une enquête sur la mort de son frère, truand notoire, Alex, flic, se trouve confronté à des personnages troubles, tels Juliette, une jeune délinquante dont il tombe amoureux. La jeune fille est également plus ou moins en couple avec Marie, une prof de philo…
Au cours de sa carrière, André Téchiné n’a pas trop oeuvré sur le terrain du polar, à part avec Le Lieu du Crime. Avec Les Voleurs, il s’y replonge mais presque de façon détournée, car ce qui lui importe dans ce récit, c’est davantage les êtres et leurs sentiments plutôt que leurs actions ou leurs magouilles. Ainsi avec Gilles Taurand, son scénariste attitré, il met en place une intrigue racontée par différents points de vue, dans une structure éclatée, non pas comme un puzzle mais comme une série de flash backs ne respectant pas nécessairement la chronologie des faits. Sans se départir de son goût pour le romanesque et les dialogues très écrits, Téchiné filme certes la délinquance lyonnaise et une bande de voyous en quête de mauvais coups, mais se concentre surtout sur le triangle amoureux donnant tout son sel à ce film insaisissable. Le genre policier à la Corneau intéresse moins l’auteur de Hôtel des Amériques, il se penche sur l’affect, l’amour absolu, l’amour déçu, les mouvements de fuite de ceux qui ne savent pas aimer ou qui ont peur de trop l’être. L’utilisation de la voix off d’Alex le flic commente les événements avec une certaine froideur, tandis que celle de Marie, passionnément éprise de Juliette la paumée, est remplie de chaleur et de douleur mêlées. Les Voleurs procède par une construction intelligente et originale, où le spectateur prend ses repères progressivement.
Le casting se charge ensuite de nous convaincre: en reformant le tandem de son précédent opus Ma Saison préférée, Téchiné fait cette fois de Catherine Deneuve et de Daniel Auteuil non plus des frères et soeurs mais des rivaux amoureux, autant dans la méfiance que dans le partage (d’informations surtout), et le binôme fonctionne parfaitement. A leurs côtés, la jeune Laurence Côte, révélation étonnante en kleptomane perturbée, Didier Bezace et Benoit Magimel en frères truands et le petit garçon est campé par Julien Rivière. Un film abrupt, cruel parfois, où il faut constamment débusquer la vérité derrière les mensonges (si tant est qu’il n’y en ai une!) et où la mort rôde du début à la fin, rappelant à chacun qu’un jour aussi son tour viendra…
ANNEE DE PRODUCTION 1996.