Servais, un photographe, rencontre Nadine Chevalier, une comédienne qui tourne des films pornographiques pour gagner sa vie, et dont le talent n’est pas du tout reconnu. Bien qu’attirée par le jeune homme, Nadine entend rester fidèle à son mari, Jacques, un personnage lunaire et désenchanté, marginal. Pour la conquérir, à l’insu de Nadine, Servais commandite une pièce de théatre qui la mettra en valeur. Il emprunte l’argent nécessaire pour monter le projet. Mais la pièce connait un échec cuisant…
Le polonais Andrej Zulawski avait commencé sa carrière de cinéaste dans son pays, avant de venir en France accepter ce film de commande, adapté d’un roman de Christopher Franck. Entre drame psychologique douloureux et mélodrame amoureux puissant, le scénario met en avant des êtres déchirés, malheureux, qui se débattent dans leurs névroses et leurs échecs, suffoquant sous leurs compromissions. Le film est un curieux et furieux mélange de classicisme et de mise en scène survoltée, pleine d’outrances chères au style du futur réalisateur de Possession. Quelque part entre l’hystérie et la noirceur totale, le ton est au bruit, au chaos et au désespoir ambiant. Les protagonistes naviguent à vue, en perdition avancée: la femme paumée, défaite, et au bout du rouleau, le mari triste et suicidaire et l’amant potentiel corrompu, mal à l’aise avec ses sentiments. La possibilité d’un amour salvateur parcourt tout le propos, sans hélas parvenir à atteindre le coeur de ces âmes perdues. Ainsi, le bordel mental des personnages semblent se fondre dans une apocalypse générale poisseuse, que Zulawski rend presque nimbée de lumière.
Une intensité autant dans les dialogues que dans le visuel accompagnent une narration parsemée de fulgurances, certes sombres et peu joyeuses, mais qui invitent à une descente aux enfers radicale. En tête d’affiche, la sublime Romy Schneider fait complètement voler son image de gentille Sissi, et tient un de ses plus grands rôles. Fabuleuse de vérité et de force, jamais on n’a le sentiment qu’elle ne joue. Elle donne tout, à l’image de la fameuse séquence d’ouverture, où filmée en gros plan et laissant couler des larmes sur son visage, elle implore qu’on ne la prenne pas en photos, pour conserver un peu de sa dignité. Un travail d’actrice majeur, récompensé par un César. Face à elle, Jacques Dutronc fait une composition excellente et habitée. Pour eux, ce très beau film vaut largement le détour. Sordide et éprouvant, il ne peut en tout cas laisser indifférent.
ANNEE DE PRODUCTION 1975.