Guy Haines, champion de tennis réputé, fait une bien curieuse rencontre dans un train: un homme du nom de Bruno Anthony, se disant un fan absolu et connaissant tout de sa vie, commence à lui faire la conversation… déviant bientôt vers un odieux marché: Bruno propose à Guy de tuer sa femme avec laquelle il est en instance de divorce (compliquée) et lui tuera son père qu’il déteste. Un échange de crimes pour se constituer des alibis parfaits. Guy refuse tout net, mais c’est sans compter sans l’obstination et la « folie » de Bruno…
Quelle idée de génie que cet échange de meurtres entre deux inconnus pour base d’un des scénarios les plus maitrisés d’Alfred Hitchcock, adapté d’un roman de Patricia Highsmith! Le maitre du suspense, alors au sommet de son art, flanque une magistrale gifle à ceux qui le disaient presque « fini », après les échecs successifs des Amants du Capricorne et Le Grand Alibi, deux films il est vrai mineurs dans son parcours. Ici, tout n’est que maitrise et précision: une narration sans temps mort, un haletant suspense, la confrontation entre le Bien et le Mal, une réalisation bourrée d’idées, des séquences absolument cultes et innombrables (le match de tennis, la fête foraine, le meurtre filmé dans les lunettes de la victime, etc…), un rythme rondement mené et surtout un récit policier hyper divertissant. Hitch s’amuse avec nos nerfs, oppose le trop gentil et un peu faible Guy, fabuleux joueur de tennis à un méchant anthologique, Bruno, sorte d’insecte rampant et semant la mort et le cynisme derrière lui. Tout se joue dans un train (comme souvent chez Sir Alfred: Une Femme disparait, La Mort aux Trousses, La Maison du Dr Edwardes, etc…), les dés sont jetés et aboutiront à une fantastique bagarre finale dans un manège lancé à une vitesse folle.
Si une seule petite réserve peut être avancée, c’est sur le rôle masculin principal tenu par le falot Farley Granger (déjà vu dans La Corde en étudiant assassin), l’acteur manque sans doute de personnalité mais au fond, ce défaut sert paradoxalement son personnage, victime des circonstances et embarqué dans un deal qu’il n’a pas cru sérieux. Par contre, carton plein concernant Robert Walker, véritablement inquiétant, il a su donner une épaisseur incroyable à son tueur fou et fascinant à la fois. Enfin, avec ses mouvements d’appareil vertigineux et une utilisation intelligente du noir et blanc, L’Inconnu du Nord Express rentre définitivement dans les réussites majeures d’Hitchcock, une de ses oeuvres que l’on peut voir et revoir à l’infini sans jamais se lasser.
ANNEE DE PRODUCTION 1951.