A la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres, d’enregistrements, mais ses secrets enfouis résistent à l’énigme de sa disparition. Alors, elle décide de la ressusciter par la grâce de l’incarnation, afin de rejouer sa vie et mieux la comprendre…
Scénariste et réalisatrice, Mona Achache s’était distingué par son adaptation au cinéma du Hérisson avec Josiane Balasko en 2009, depuis elle avait surtout tourné des oeuvres plus confidentielles ou travaillé pour la télévision. Son retour est d’autant plus fracassant qu’elle initie un long métrage très singulier autour de sa mère, Carole Achache, une écrivaine et photographe qui s’est suicidée en 2016. Pas vraiment pour lui rendre hommage, davantage pour tenter de mieux la cerner, de trouver des réponses ou des bribes d’explications à son geste et ainsi exorciser les démons liés à cette perte. Tout d’abord, le dispositif élaboré entre documentaire et fiction déroute fortement, puisque Mona Achache se filme elle même au milieu des tas d’archives laissées par sa mère, démarrant son film comme une enquête autour d’un mystère insondable. Le propos prend ensuite vie sous nos yeux tandis que son héroïne perd peu à peu la sienne. Entre ses rencontres très jeunes avec l’élite intellectuelle de Paris des années 50 (Duras, Violette Leduc, Jean Genet), son combat pour affirmer son indépendance, ses prises de positions politiques, Carole Achache fut surtout une femme abusée par les hommes, glissant progressivement vers une forme de lente autodestruction par le biais des drogues, de la prostitution, des excès… sans jamais parvenir à être reconnue comme une écrivaine à part entière. Ce sentiment d’échec perpétuel la poursuit toute son existence et son chaos intérieur nous est raconté par ses propres mots, ses notes personnelles griffonnées sur des carnets, traversant les cinq dernières décennies. Avec une folle impudeur et un courage monstre, la réalisatrice nous convie au coeur d’une âme tourmentée: celle de cette maman dont elle n’a pas saisi toutes les abimes.
Pour l’incarner, elle a fait appel à une star, Marion Cotillard, à qui elle donne face caméra les affaires de sa mère (vêtements, colliers, bagues, lunettes, etc…) pour voir l’actrice « au travail », pour faire revivre l’absente. La composition de Cotillard est aussi bluffante que formidable, rentrant dans la peau de cette femme torturée, avec une conviction inouïe, modulant jusqu’à sa voix pour « être elle ». Ne serait ce que pour cette performance, Little Blue Girl mériterait d’être vu attentivement. Bien au delà de ce simple fait, voici une oeuvre à la limite de l’expérimental, dont la sincérité déchire le coeur. On a nettement l’impression à la fin de la projection d’avoir assisté à une résurrection, permettant à Mona Achache de serrer une dernière fois sa mère dans ses bras.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.