Récemment arrivé en Nouvelle Angleterre, le professeur Humbert Humbert cherche une chambre à louer. Visitant un logement, il aperçoit la jeune fille de la maison, Lolita, vivant avec sa mère Charlotte Haze, veuve depuis quelques années. Cette vision le fascine immédiatement et il décide de s’installer là. Peu après, il accepte d’épouser la mère, tout en étant totalement obsédé par la nymphette de 14 ans…
Il fallait être sacrément gonflé pour porter à l’écran le roman très controversé de Nabokov (et ce même si l’auteur écrivit lui même le scénario), mais ce défi ne fit pas peur à Stanley Kubrick, sorti du triomphe de son péplum Spartacus. Cette histoire sulfureuse d’un quinquagénaire se brulant les ailes au jeu du désir pour une très jolie et toute jeune adolescente (certes un peu aguicheuse) est ainsi traitée par Kubrick avec beaucoup plus de retenue qu’attendu: le réalisateur édulcore grandement l’érotisme du roman, aseptisant le propos sur la relation politiquement incorrecte entre un homme mûr et sa belle fille mineure. D’où une certaine déception pour ceux qui prédisaient une oeuvre hautement scandaleuse. Lolita s’avère un objet cinématographique élégamment mis en scène, soutenu par un beau noir et blanc et doté d’atouts importants. Comme le ton sardonique constant que l’on retrouve dans les dialogues, même implicites, ou dans les échanges entre Humbert et Quilty, son « rival » et autre adulte attiré par la jeunesse de l’héroïne. L’ironie se fait aussi très présente quand il décrit l' »American Way Of Life » (symbolisé par l’insupportable personnage de la belle mère Charlotte, campée par une Shelley Winters des grands jours). Démarrant par la fin (qui est également l’issue du bouquin), Lolita conte le parcours d’un homme lubrique certes mais bel et bien victime de ses penchants et de cet « amour » interdit pour lequel il va se transformer en assassin. Le plus étonnant est que Kubrick réussit à déjouer la censure, en alliant le drame subtil avec de réels passages de comédie, proche de la farce.
Humbert Humbert se voit littéralement incarné par James Mason, habité par son rôle, affichant une ambiguité remarquable. Kubrick a choisi une jeune actrice plus âgée pour jouer Lolita et dirige Sue Lyon (16 ans au moment du tournage), charmant mélange d’innocence et de sensualité. Pour une première fois devant une caméra, elle mérite de francs applaudissements. Quant à Peter Sellers incarnant Quilty, il affirme son goût pour la transformation physique qu’il mettra encore plus en avant dans le film suivant de Kubrick, Docteur Folamour. Vilain petit canard de la filmographie du réalisateur de Barry Lyndon, Lolita reste avant tout un formidable roman, avant d’être ce bon film à qui il manque une véritable étincelle pour emballer complètement.
ANNEE DE PRODUCTION 1962.