Violée et assassinée, une jeune fille de 14 ans, Susie Salmon, observe le monde depuis le paradis: elle voit ses parents ravagés par le chagrin, son meurtrier (leur voisin) poursuivre ses sanglants méfaits, tandis que l’enquête policière piétine…
Il peut paraitre très étrange que le roman de Alice Sebold, La Nostalgie de l’Ange, fut adapté par un des plus grands maîtres du cinéma d’action et d’aventures du 7e Art, à savoir M. Peter Jackson. Après ses fulgurants succès de la trilogie du Seigneur des Anneaux et de son remake dantesque de King Kong, le réalisateur néo zélandais revient en fait à un cinéma plus intimiste, traitant là d’une question délicate: comment faire son deuil d’une enfant prématurément décédée, qui plus est quand celle ci a été sauvagement assassinée? Bien loin de verser dans le psychodrame familial que l’on aurait pu craindre, le cinéaste choisit un axe plus tourné vers le fantastique, en montrant que la petite héroïne sacrifiée « continue » à vivre au paradis, depuis des cieux où elle peut contempler le monde ici bas. Dans le roman, cette partie « mystique » était évoquée avec délicatesse et retenue, Jackson préfère se servir de son imaginaire débordant et offrir sa vision de l’au delà. Hélas, son imagerie colorée, onirique et fantasmée ressemble à une publicité pour un parfum, au kitsch indigeste et surtout n’apportant rien à l’action proprement dite! Jackson s’en sort mieux lorsqu’il s’agit de revenir « sur terre » et d’aborder de front le chagrin éprouvé par les parents, impuissants à aider la police dans la recherche du meurtrier.
En fait, cet aspect très « new age » que le cinéaste accole au paradis rappelle les fantasmes délirants et naïfs des deux héroïnes matricides de son tout premier film, l’excellent Créatures Célestes. Lovely Bones se transforme vite en mélo fade, bien trop long et au scénario maladroit. Pourquoi avoir fait de cette sombre histoire de tuerie d’enfant un objet guimauve empêchant véritablement l’émotion de surgir? Cette déception s’avère d’autant plus regrettable que le casting, lui, est à la hauteur: Rachel Weisz, Mark Walherg et la petite Saorise Ronan forment une bien belle famille brisée, et deux mentions spéciales reviennent à Susan Sarandon en grand mère égocentrique et surtout Stanley Tucci, très inquiétant en serial killer au dessus de tout soupçon. Enfin, une jolie BO où l’on entend du Bryan Eno et le tube « Song for a siren » du groupe Mortal Coil enchante nos oreilles. Peter Jackson est puni d’avoir caressé un cinéma d’auteur, tout en cédant à sa tentation de faire du spectaculaire. Total: pas catastrophique, mais maniéré et vain!
ANNEE DE PRODUCTION 2010.