En vacances dans le Midi, quatre comédiennes évoquent leur vie d’artiste, leurs ambitions, leurs liaisons, les intrigues que cela suscite…
Actrice d’exception à la carrière très riche et d’une exigence remarquable, Jeanne Moreau caressait l’idée de passer elle aussi à la mise en scène depuis sa rencontre avec l’un de ses maitres, Orson Welles, qui l’encouragea alors à sauter ce pas délicat. Nourrie de son expérience personnelle, Jeanne écrivit donc un scénario tournant autour du monde du cinéma, plutôt du côté des coulisses que de la création même. Elle brosse le portrait de quatre amies comédiennes, dont nous suivons le parcours aussi bien professionnel que sentimental et le questionnement qu’elles partagent sur leur identité propre, leur vie de femme et son récit s’attache davantage aux êtres qu’aux événements qu’ils traversent. Du coup, son scénario manque de chair, car il empile des séquences inspirées de petits faits relativement superficiels, n’éclairant pas vraiment sur la personnalité de chacune, les laissant insaisissables. C’est un peu frustrant, car on aurait voulu que Moreau aille plus loin dans ses confidences (on sent clairement la part autobiographique) et on dirait qu’elle n’ose pas explorer en profondeur ce monde dans lequel elle gravite, ou peut être estimait elle qu’il devait rester mystérieux. Il ne faut donc pas s’attendre à une description sans concessions comme pouvait l’être celle de Minnelli dans Les Ensorcelés ou celle d’un Mankiewicz de La Comtesse aux pieds nus. L’intention de l’actrice réalisatrice s’en tient à un « voile » qu’elle ne parvient pas vraiment à dissiper ni à en dévoiler les secrets.
Et pourtant ce Lumière (un titre magnifique pour un film sur le 7e Art) ressemble à la personnalité de Jeanne, en cela qu’il est frontal, sincère et qu’il parle d’amitié, une chose essentielle à ses yeux et dont même les défauts (de débutante) ne doivent pas être jugés trop sévèrement. Pour le casting, on retrouve de futurs vedettes masculines toutes jeunes (Francis Huster, Niels Arestrup, Bruno Ganz) et elle dirige la canadienne Francine Racette, la regrettée Caroline Cartier et l’italienne Lucia Bosé (toutes trois inégales dans leur jeu) et s’est réservée le rôle central, celui de Sarah, la figure la plus « âgée » et la plus expérimentée. D’ailleurs, et rien de surprenant à cela, elle apporte énormément à l’ensemble du film en tant que comédienne. Dommage que sa mise en scène soit aussi banale et dépourvue de grandeur. En étant indulgent, il faut considérer ce premier long comme un essai, qu’elle poursuivra avec L’Adolescente trois ans plus tard et enfin un documentaire sur Lillian Gish.
ANNEE DE PRODUCTION 1976.