Dans le bois d’un paisible village anglais, un garçonnet découvre le corps de Harry, son père, qu’il n’avait jamais vu. Le jeune femme du défunt, un peu farfelue, une vieille fille, un marin en retraite et un peintre abstrait tombent tour à tour sur le cadavre aux belles chaussettes rouges et pensent tous qu’ils sont responsables de cette mort suspecte. Ils s’emploient donc à enterrer ou déterrer le corps encombrant, pensant pouvoir éviter la police…
Toute la filmographie d’Alfred Hitchcock ne comporte presque que des policiers ou des oeuvres à suspense dans lesquelles il était spécialisé. Presque, car il se trouve qu’il réalisa également deux comédies de son cru, peu ou mal reconnues: la première pendant la guerre Mr et Mrs Smith, sorte de vaudeville du remariage avec Carole Lombard et ce Mais qui a tué Harry?, petit film tourné en pleine décennie 50, en Vistavision, dans le but de mettre en avant l’humour british et noir de Sir Alfred. Fondé sur le goût du macabre (un cadavre traverse l’entièreté du métrage à être enterrer ou déterrer par des personnages soucieux de ne pas assumer leur probable implication dans sa mort), le film comporte de superbes images de la campagne anglaise, avec ses couleurs automnales si particulières et son décor champêtre dans lequel on ne penserait jamais voir un meurtre être commis. Cet opus d’Hitch, déroutant, déjoue les clichés, s’amuse avec la mort, d’abord malicieusement, puis verse même dans la farce comique. Il se régale à dépeindre un petit groupe de personnages formidablement « égoïstes » mais sans méchanceté aucune, s’arrangeant pour ne pas rencontrer de désagréments avec la justice et mener leur train train quotidien (le capitaine veut conserver son hobby de chasseur, le peintre se sert même du mort comme modèle, l’ex épouse se contrefiche du sort de ce corps embarrassant, la vieille fille ne songe qu’à organiser un goûter avec du thé et des petits gâteaux).
Au générique, pour la première fois à l’écran, la jeune soeur de Warren Beatty, Shirley Mac Laine, vingt ans à peine, fait ses débuts balbutiants en veuve pas trop perturbée. John Forsythe, Mildred Natwick et Edmung Gwenn l’entourent chaleureusement. Le quatuor semble beaucoup s’amuser dans cet univers raffiné, léger comme une bulle de champagne, dirigé par un Hitchcock s’octroyant avec ce film (certes mineur) une parenthèse divertissante, avant d’attaquer son remake de L’Homme qui en savait trop. Gentiment amoral, ton badin et flegme britannique exagéré: un programme inhabituel pour le maitre du suspense dont on sait qu’il était un incorrigible plaisantin à la ville.
ANNEE DE PRODUCTION 1955.