Le soir de leurs noces, le 6 Juin 1944, Henri et Janine s’installent dans une maison d’Arromanches, sur la côte normande, achetée à une vieille dame veuve. Au matin, c’est le Débarquement. Henri participe malgré lui à un acte de résistance. Héros local, il animera tous les ans la cérémonie du souvenir…
A la manière de pointures comme Orson Welles ou Sacha Guitry qui présentaient eux mêmes en voix off tous les participants à leurs films plutôt que de faire défiler un interminable générique, Claude Lelouch imite ses pairs avec ce long métrage peu connu de sa carrière. Puis, il propose le récit et l’évolution (sur 30 ans!) d’un couple marié le jour du Débarquement de Normandie, vivant dans une maison en bord de mer, et passant de l’amour, la fraicheur de leurs sentiments de jeunesse et le bonheur de leur union à la routine, les disputes, les règlements de comptes et enfin à l’indifférence pure et simple. Cette vision pessimiste de l’institution du mariage est racontée de façon originale, presque ludique (du moins au début), Lelouch s’amusant avec le temps, l’espace clos de la maison du couple, les événements se répétant (la commémoration du Débarquement à date fixe chaque année). Le ton est tantôt mordant, lucide, au vitriol mais sans méchanceté, parsemé ici ou là de marques de tendresse, bien qu’en gros on constate surtout combien le temps est assassin pour les amoureux, flétrissant leurs désirs et leurs affection. Un certain humour inhabituel chez l’auteur d’Un Homme et une femme prend même les rênes de quelques répliques, notamment lors du dixième anniversaire de mariage.
Au coeur du film, le couple formé par Bulle Ogier et Rufus porte l’essentiel de l’intrigue et jouent avec justesse ces époux victimes des affres du quotidien. Cette lente dégradation laisse un petit goût rance tant il ne parait pas exagéré, et on peut applaudir Lelouch d’avoir évité ses fréquents tics de mise en scène énervants pour délivrer une comédie dramatique enlevée, détonnant clairement dans son parcours. Bien sûr, l’amertume grandissante au fur et à mesure que le final se dessine ne provoque pas de franche rigolade, mais le réalisateur des Uns et des Autres dissèque avec acuité l’échec patent de la vie à deux. Mariage est bel et bien une oeuvre insolite à reconsidérer.
ANNEE DE PRODUCTION 1974.