Jérémie revient à Saint Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Cependant, entre une disparition étrange, un voisin menaçant et un abbé aux intentions singulières, son court séjour prend une tournure inattendue…
Depuis L’Inconnu du Lac, le cinéaste Alain Guiraudie trace sa route dans le cinéma français avec une aisance tranquille, produisant des films toujours aussi décalés et inclassables. Ce Miséricorde n’échappe pas à cette qualification puisque il navigue entre drame familial, thriller rural, et se fend même de passages proches de la comédie. Ce 7ème opus, de nouveau situé dans l’Aveyron (sa région de coeur), interroge les notions de pêché, de désir (souvent non partagé), de jalousie, élaborées dans un scénario déroutant, conduit comme un polar, la « tension » en moins. Des situations un peu « dingues », un ton surprenant font tout le sel de ce script subversif, mais jamais de façon ostentatoire. Contrairement à ses précédents films, le sexe n’est jamais montré ici, plutôt évoqué dans les conversations (l’air de rien), l’attirance homosexuelle dépeinte dans un quotidien sans histoires et presque banal. Ironique, amoral, Miséricorde met en scène un jeune héros insaisissable, sans dilemmes moraux, ce qui suscite étonnement et surprise. Grâce à sa mise en scène aérée et tranquille, Guiraudie nous entraine dans des chemins interdits, où ce sont les curés qui vont à confesse! L’aspect policier est contrebalancé par un humour discret, adouci par les plans (nombreux) de la Nature, des forêts où l’on cueille autant les champignons que l’on enfouit les cadavres.
Dans le rôle central, une révélation en la personne de Félix Kysyl, repéré furtivement dans le récent Consentement, trimballant là son corps fluet et son visage opaque avec bonheur. A ses côtés, Catherine Frot, inattendue dans cet univers atypique, campe une femme fraichement veuve et terrifiée par la solitude, au point d’y perdre un peu son bon sens. Enfin, le rôle du curé revient à Jacques Develay, physique ordinaire et jouant une part cruciale dans l’intrigue. Jusqu’au bout, Miséricorde entretient un certain mystère, ne rentre jamais dans une case et emprunte des sentiers sinueux. Bref, le cinéma de Guiraudie n’est pas prêt de céder au conformisme. Et c’est tant mieux!
ANNEE DE PRODUCTION 2024