Berlin, 1975. Christiane a 13 ans, vivant avec une mère assez absente, commence à se faire de mauvaises fréquentations et sort dans une discothèque Le Sound, où la drogue est omniprésente. D’abord effrayée par ce milieu sombre, elle se met à vouloir tenter des expériences inédites pour elle, et notamment l’absorption de substances illicites. Avec son petit ami, Detlef, elle goûte à la cocaïne et à l’héroïne, et devient très vite accro. L’engrenage commence pour elle…
A la fin des années 70, deux livres très forts sont devenus des best sellers, en décrivant les ravages de la drogue sur des adolescentes en mal de repères et victimes idéales. Il y eut L‘Herbe Bleue, et puis Christiane F... , un récit autobiographique terrible et poignant sur une gamine de 13 ans, enfermée dans cette spirale. Le réalisateur allemand Uli Edel signe là son tout premier film, choisissant un axe proche du reportage, et décrit le monde glauque des jeunes camés des quartiers berlinois, souvent obligés de se prostituer pour s’acheter leurs doses quotidiennes. Les souvenirs atroces de la jeune fille qu’il suit nous sont racontés frontalement, sans faire d’impasses sur les aspects les plus rudes du processus de dépendance. Au départ, elle essaie juste de trouver un sens à son existence terne, fait comme ses amis, et plonge la tête la première dans un milieu néfaste. Edel ne fait pas d’esthétique, au contraire ses images et sa lumière sont volontairement « moches », reflétant l’atmosphère lugubre des lieux fréquentés (la gare de Berlin, les trottoirs de rues bondées de putes, la discothèque et des chambres obscures où l’on se shoote, quand ce ne sont pas dans des toilettes publiques crasseuses).
Le film prend des allures de fresque morbide avec son défilé d’épaves , aux teints blafards, déjà à moitié morts, et courant après une héroïne censée leur apporter des sensations fortes. On est loin des séquences joyeuses de hippies filmées aux States pendant la révolutions sexuelle, profitant du LSD et des pétards. Ici, ce sont des crises de convulsion, la vomissure, un traitement filmique devant agir comme repoussoire et donner à ceux qui le regarde une seule envie: condamner et fuir ces dérives. Seule lueur d’espoir dans les ténèbres: une dizaine de minutes passées à un concert de David Bowie, idole de Christiane, et qui apparait donc dans son propre rôle. Son tube Heroes fait d’ailleurs partie de la BO. L’actrice principale Natja Brunckhorst se dépatouille admirablement d’un rôle vraiment ingrat. Pour aussi sinistre qu’elle soit, cette descente aux enfers ne manque pas de réalisme, même si elle a perdu de sa force aujourd’hui.
ANNEE DE PRODUCTION 1981.