Monsieur Hire habite depuis plusieurs années une chambre dans un immeuble anodin. C’est un homme qui ne dépense rien, n’a pas d’amis, et semble attendre quelque chose d’indicible. En face de chez lui, habite une jeune fille, Alice, qu’il observe depuis sa fenêtre, fasciné par sa beauté. Il sait tout d’elle et en tombe amoureux, alors qu’Alice est éprise d’Emile et prête à tout pour le protéger…
Pour sortir de son statut (envié) et sa zone de confort liée à ses comédies populaires adorées du public (Les Bronzés, Circulez y a rien à voir), Patrice Leconte a souhaité adapter un roman de Simenon Les Fiançailles de M.Hire et se plonger dans son ambiance étrange et délicieusement ambigue. Monsieur Hire est à l’arrivée une sorte de drame feutré, de policier à l’intrigue trouble, et puis le portrait d’un homme rongé par la solitude, les non dits, le désir contenu et la frustration. Dans des décors intemporels, des lieux difficilement identifiables (une grande ville mais laquelle?), le film se déroule dans une atmosphère presque surnaturelle, que la lumière froide de Denis Lenoir accentue d’autant plus, et que la partition inspirée de Michael Nyman rend vraiment inquiétante. Ce personnage vampirique reluquant sa voisine par la fenêtre, impassible, a t’il des envies de meurtre ou d’amour? Rien n’est dévoilé, tout est suggéré et magnifiquement installé par la mise en scène de Leconte, précis dans ses choix et rigoureux dans ses directives. Le film s’ouvre sur la découverte d’un cadavre et malgré tout ne prend pas la direction d’un thriller ordinaire, préférant s’attacher au rapport vénéneux entre Hire et Alice qui se laisse séduire. Mais qui manipule qui finalement? Avec son écriture « blanche », cette oeuvre de Leconte fascine et intrigue sur sa durée ramassée d’1H20 à peine.
Quel beau duo de cinéma que la réunion de Michel Blanc et Sandrine Bonnaire! Leconte a pensé à Blanc pour lui faire jouer ce personnage monolithique et tellement éloigné du type marrant du temps du Splendid et l’acteur relève extraordinairement le défi, faisant de Hire un être cloisonné et touchant à la fois, secret et jusqu’au bout fidèle à son amour dévorant. Bonnaire, envoutante, incarne cette fille libre et prenant du plaisir à être un objet de désir. Leur couple fonctionne à merveille, entre romantisme suranné et attirance « morbide ». Par son ambiance étrange, Monsieur Hire rappelle Fenêtre sur Cour, Le Locataire et pourtant parvient également à exister par lui même, s’émancipant de ses illustres références. Sans conteste, la réussite la plus aboutie de Patrice Leconte.
ANNEE DE PRODUCTION 1989.