En 1759, sur l’Isle de France, aujourd’hui nommée Ile Maurice. Massamba et Mati, esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le dur labeur quotidien. Lui rêve que sa fille soit affranchie et quitte cet enfer. Une nuit, elle parvient à s’échapper. Madame La Victoire, célèbre chasseuse d’esclaves, est engagée pour la traquer. Massamba s’enfuit à son tour et devient ainsi un « marron », c’est à dire un fugitif rompant à jamais avec l’ordre colonial…
Longtemps scénariste, Simon Moutairou passe derrière la caméra pour la première fois avec ce drame sombre doublé d’un « survival » à la française, revenant sur les heures terribles de l’esclavage, tel qu’il se pratiquait impunément sous la régence de Louis XVI. Il situe l’action sur une ile prétendument paradisiaque, créant un contraste saisissant avec les horreurs que les propriétaires de plantations perpétrait sur leurs esclaves, jour et nuit. Dès lors, le scénario soulève la question du marronnage (autrement dit la fuite d’un esclave) et suit le parcours de Massamba, décidant de se rebeller et de quitter son « maitre » pour se lancer à la recherche de sa fille. Des séquences éprouvantes au milieu d’une longue traque à travers des forêts hostiles constituent l’essentiel de l’intrigue sur un canevas sans doute un peu trop manichéen. La quête de dignité et surtout de liberté du héros nous embarque toutefois dans cette course poursuite, où la violence et la mort rôdent sans cesse. Moutairou s’attaque au thème de l’esclavage dans une production française (ce qui reste assez rare finalement), marchant sur les pas de classiques comme La Couleur Pourpre ou 12 years a slave, de triste mémoire sur la condition des Noirs en Amérique. Le soin apporté aux images (presque poétiques par moments) et l’approche avec la Nature ajoutent un supplément d’âme à ce tout premier long métrage.
Dans une distribution globalement de qualité, le débutant Barnar Kane donne la réplique à des comédiens plus « installés »: Benoit Magimel (odieux dans un contre emploi antipathique), Camille Cottin (plutôt bonne hors de la comédie) et Félix Lefebvre, révélé dans Eté 85 de François Ozon. Cette étude honnête sur le racisme se teinte de mysticisme dans son dernier tiers, ne se contentant pas d’une simple description de la condition des opprimés dans une Histoire qui les a quelque peu « oubliés ». Le final, que l’on ne dévoilera pas ici, marque de façon terrible par un mélange de brutalité et de « douceur », réveillant nos consciences sur ces êtres considérés au mieux comme des « sous hommes », au pire comme des animaux.
ANNEE DE PRODUCTION 2024.