USA, 1932. Les Etats Unis sont en pleine Dépression, suite au crash boursier. Poussés par le chômage et la misère, hommes et femmes décident de participer aux marathons de danse dont les vainqueurs reçoivent des primes intéressantes. Le jeune Robert pénètre à son tour dans un de ces immenses halls transformés en dancing et Rocky, le maitre des cérémonies, accueille les concurrents. Parmi eux, Robert fait de Gloria, une fille paumée rêvant d’Hollywood, sa partenaire de compétition…
Il n’est pas si fréquent qu’un roman à succès soit autant en symbiose avec l’adaptation cinématographique qui en est tirée. C’est complètement le cas ici: du récit de Horace Mac Cioy sur ses laissés pour compte d’une Amérique minée par la pauvreté et la déchéance au film qu’en a fait Sidney Pollack, se rejoignent ce souci minutieux de montrer des êtres au bout du rouleau, acculés, prêts à tout pour gagner un peu d’argent, quitte à mettre leur vie en danger. Le chômage, la misère et la faim les entrainent donc sur ses pistes de danse, des hommes et des femmes sans perspective d’avenir, acceptant de se ‘jeter » dans la fosse aux lions: ces marathons mortuaires les épuisent, les vident de toute énergie, les transforme en zombies dans leur course effrénée vers une victoire aussi insignifiante que provisoire. Pollack les filme au plus près, examine leurs traits tirés, sonde leur fatigue morale et physique avec sa réalisation sèche comme un coup de trique, le tout dans une ambiance étouffante: avec comme comme seule unité de lieu, cette piste aux « bestiaux humains » ressemblant à s’y méprendre à un cirque, où tous tournent pathétiquement en rond. Pour agrémenter encore plus l’horreur, la compétition est menée par l’organisateur du concours, un faux cul de première, abusant de sa position de force et animant la « fête » pour un public voyeur et carnassier.
Ce drame terrible (et un des plus forts signé Pollack) étrille une Amérique de foire, minée par la crise financière tout autant que par les comportements inhumains, la sauvagerie d’une société du spectacle dont la machine, une fois en branle, broie allégrement les individus les plus fragiles. La crise morale traversée par le pays ne peut à elle seule expliquer les dérives qu’elles ont provoqué. Une grande part de la réussite du film revient aux interprètes: Michael Sarrazin en jeune homme candide, Gig Young en animateur sans scrupules, Susannah York et Red Buttoms en couple avide de gains, et bien sûr l’héroïne principale campée par une Jane Fonda transfigurée, bouleversante en jeune fille brisée, donnant là une de ses trois plus fascinantes compositions d’actrice. On achève bien les chevaux conserve une puissance dramatique intacte, d’une cruauté désespérée et dont le refus du « happy end » artificiel force l’admiration.
ANNEE DE PRODUCTION 1969.