Gabrielle Deydier est ce que l’on appelle gentiment une « femme forte » et plus couramment une « grosse ». Elle a 39 ans, mesure 1M54 pour 125 kilos et dit d’elle même avec un humour mordant qu’elle a « la même taille que Kylie Minogue, avec trois fois son poids ». Elle est écrivaine et a publié des romans dont l’un s’intitule: « On ne naît pas grosse » pour raconter son parcours et la vie qu’elle mène dans ce corps, qui lui a valu les pires railleries. Pourtant, son poids résulte au départ d’un diagnostic erroné de son médecin. Il la dit atteinte d’une maladie hormonale et lui prescrit un traitement drastique et une diète terrible. La succession de ces régimes vont dérégler totalement son comportement alimentaire. Et la faire rentrer dans un enfer quotidien.
L histoire personnelle de Gabrielle est donc au coeur de ce documentaire très poignant, évitant les habituelles émissions moralisatrices, où l’on explique comment maigrir à des personnes en surpoids. Ici, il s’agit de rentrer dans la tête et presque dans le corps de cette femme sensible, intelligente et très douce qui raconte son calvaire vécu depuis l’adolescence, son rejet par une société qui réprouve et méprise les gros alors qu’elle génère cette obésité, paradoxalement. Son échec scolaire et la discrimination dont elle est victime dans son quotidien. Au delà des simples moqueries issues d’une grossophobie ambiante généralisée, il y a le problème d’une ignorance: celle qui consiste à croire, de façon très simpliste, que les personnes obèses le sont par manque de volonté, par incapacité à se responsabiliser et à se contrôler. La vérité est toute autre évidemment et diffère selon les individus ( certains souffrent de maladie génétique, d’autres d’un problème lié au manque de confiance en eux, d’autres à une addiction à la nourriture qui cachent un mal être psychologique souvent ancien).
La force de ce documentaire réside aussi dans l’implacable émotion que l’on ressent lorsque Gabrielle revient dans son lycée, là où elle a commencé à changer physiquement et où elle a été mise à l’écart des autres, ne rentrant plus dans la « norme » imposée. Elle dénonce la stigmatisation et entend sensibiliser les nouvelles générations en s’adressant directement à une classe, en les interrogeant sur leurs rapports et sur la vision qu’ils portent sur l’obésité. Le harcèlement et les brimades , hélas, ne s’arrêtent pas aux système scolaire mais perdurent dans les relations « amicales », le milieu professionnel et le regard d’autrui dans son ensemble. Elle donne courageusement son opinion sur les « recettes » miracles que la chirurgie propose pour parvenir à perdre en quelques mois des dizaines de kilos. On sait combien ce charcutage du corps ne règle bien souvent pas l’origine du problème, tout comme la multiplication de régimes, tous aussi néfastes les uns que les autres!
Son salut et sa résilience, Gabrielle va peu à peu le trouver dans l’écriture, dans l’acceptation de sa différence et même dans le…naturisme! Un combat tel que le sien force l’admiration et le respect. A la fin du documentaire, elle explique sans complaisance qu’elle a découvert une liberté certaine à se montrer telle qu’elle est et que c’est à notre société de changer de regard et d’attitude. Définitivement.