Benigno, jeune infirmier et Marco, écrivain, se rencontrent à la clinique El Bosque, où travaille Benigno. Lydia, la petite amie de Marco, torero professionnel, y est plongée dans un profond coma à la suite d’une corrida qui a mal tourné. Benigno, de son côté, est au chevet et aux petits soins d’ Alicia, une jeune danseuse également dans le coma, depuis plus de quatre ans. C’est le début d’une grande amitié entre les deux hommes…
Tout le monde avait cru qu’avec Tout sur ma Mère, Pedro Almodovar avait atteint le summum de ses capacités cinématographiques. Pourtant, à peine trois ans plus tard, il érigea une nouvelle oeuvre encore plus formidable avec Parle avec Elle. Il réussit un prodigieux mélange de douceur, d’infinie tendresse en racontant cette histoire à tiroirs, portée par quatre personnages trimballant chacun leurs fêlures et se croisant au hasard de la vie et avec une évidence confondante. D’une magnifique précision, la mise en scène de l’auteur d’Attache Moi n’a sûrement jamais été plus maitrisée, utilisant tous les outils à disposition pour rendre sa grammaire filmique ultra gracieuse: un sens de l’ellipse comme nul autre, des flash backs subtils et dénués de la moindre lourdeur, un cadre idéal pour parler des hommes et des femmes et les faire se correspondre entre eux dans un tourbillon d’émotions. En mêlant à la fois le mélo emprunté à l’un de ses maitres, Douglas Sirk, le drame psychologique inspiré de Bergman et ses tourments sentimentaux divers et variés, et un soupçon de polar aussi, alors que l’on ne s’y attend pas le moins du monde. Capable également d’insérer un court métrage au coeur de son film, en noir et blanc et rendant un hommage criant au cinéma muet, dans une séquence d’une audace folle.
Ce poème d’amour fou parle autant de solitude que de renoncement, de séparations que de liaisons, de dévotion que d’incommunicabilité. D’une richesse immense, Parle avec Elle possède en prime la plus belle BO qui soit, composée par Alberto Iglesias et incluant le déchirant morceau de Caetano Veloso, Curucucu Paloma, et un prologue placé sous le signe de la chorégraphe Pina Bausch: toutes ces qualités réunies forment un tout sompteux! Quant à l’interprétation, cette fois, le cinéaste ibérique fait la part belle aux hommes (merveilleux Javier Camara et touchant Dario Grandinetti), sans omettre les prestations féminines de Leonor Watling, charmante endormie désirable et Rosario Flores, plus connue en tant que chanteuse d’origine gitane. En résumé, ce bijou ne mérite que des superlatifs et Almodovar n’a plus été aussi grand ensuite. Du travail d’orfèvre.
ANNEE DE PRODUCTION 2002.