Lors d’un voyage en train, l’écrivain Richard Harland tombe sous le charme d’Ellen Berent, une très belle jeune femme. Ils s’avouent très vite leur amour, et se marient sans attendre. Cependant, Ellen souffre du pire des péchés mortels: la jalousie. Elle sombre peu à peu dans une folie destructrice et même criminelle, éliminant tous les obstacles empêchant son mari de ne se consacrer qu’à elle. Le conte de fées vire au cauchemar…
Voici un des rares films « noirs » de la grande époque hollywoodienne à être en couleurs! Et quelles couleurs! Dans un Technicolor flamboyant et acidulé, le réalisateur John Stahl, spécialiste de beaux mélodrames, propose de rentrer dans la psyché d’une femme à l’irradiante beauté physique, mais atteinte d’une névrose mentale fortement dangereuse. Le film démarre tel un conte romantique et langoureux autour d’une rencontre et d’un coup de foudre entre un homme et une femme, puis prend son temps avant de basculer dans un drame psychologique dérangeant et malsain. En fait de mélo, on va plutôt assister à une sorte de thriller au suspense lancinant, la caméra filmant au plus près ce personnage féminin fascinant et répugnant à la fois. On suppose que la jalousie maladive dont elle fait preuve est l’expression d’un désordre mental inquiétant, mais rien ne nous prépare aux situations terribles qui vont subvenir. Le script brillant, allié à une mise en scène élégante et soignée, surprend par sa cruauté et son jusqu’au boutisme.
Stahl compose son histoire comme un joli rêve se transformant en cauchemar éveillé pour les personnages victimes de la vénéneuse épouse exclusive, sans oublier d’y introduire du lyrisme et du souffle. Et il semble lui même ensorcelé par son actrice principale, la superbe Gene Tierney (découverte un an plus tôt dans Laura par Otto Preminger) et qui prouve qu’elle n’est pas seulement très belle, mais excellente comédienne. Elle incarne cette héroïne maléfique avec beaucoup de conviction et nous hante longtemps après le mot FIN. La seule faiblesse du film réside dans le choix de l’acteur Cornel Wilde, relativement insipide, mais pour le reste tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce Péché Mortel une oeuvre maitresse du cinéma américain des années 40.
ANNEE DE PRODUCTION 1946