En 1957, Lucia s’installe dans un hôtel viennois et reconnait le veilleur de nuit, Max. C’est l’officier SS qui l’a abusée sexuellement pendant son long séjour en camp de concentration, plus de dix ans plus tôt. Ils nouent une relation sadomasochiste, tandis que Max a gardé dans ses « amis » d’anciens officiers, tous inquiets de voir des témoins de leurs horreurs ressurgir pour les dénoncer…
Parmi les oeuvres ayant suscité tollés et polémiques dans les bruyantes années 70, on trouve bien sûr Le Dernier Tango à Paris ou La Grande Bouffe, mais dans le cinéma italien, Portier de Nuit n’a absolument aucun équivalent en matière de réceptions contrastées. Abordant les amours sadomasochistes et déviants d’une déportée juive et d’un officier nazi, le film a d’emblée un goût de soufre dès l’énoncé de son pitch et le fait qu’il soit réalisé par une femme, la cinéaste Liliana Cavani, ajoute un degré supplémentaire au scandale. Ce drame, d’une noirceur absolue, évoque le nazisme dans sa composante psychologique, interroge les rapports bourreau/victime, repousse les limites de l’interdit régnant sur la sexualité, présentant les perversions de ces deux « montres humains ». Oui mais voila, ils restent humains justement et même si l’on assiste à une forme de syndrome de Stockholm de la part de l’héroïne, elle l’assume pleinement, recherche à en explorer la face la plus sombre et en prime en jouit! Une victime consentante en quelque sorte, apportant un lien Eros/Tanathos très fortement marqué dans le scénario: le désir et la mort s’imprègnent tout le temps, dans une ambiance vénéneuse et mortifère. Cavani nous « oblige » à regarder une certaine vérité en face, met le feu aux poudres sans s’embarrasser de distanciation et nous fait partager le trouble de ces amants maudits. D’une grande beauté formelle, Portier de Nuit n’oublie pas de traiter aussi de la culpabilité des nazis, de leur état d’esprit jamais en paix, de vivre toujours avec la peur d’être découvert et puni, tout en s’évertuant à nier leurs agissements, sans les nommer à voix haute.
Du point de vue de l’interprétation aussi, c’est un sans fautes: Cavani réunit deux personnalités au charisme immédiat, Dirk Bogarde, inquiétant et diablement charmant en même temps, Charlotte Rampling magnifique dans un des rôles les plus forts de sa carrière et qui la marquera au fer rouge auprès des futurs cinéastes qu’elle inspirera. Leur couple fonctionne aussi bien dans les silences, les regards que dans leur façon de jouer au chat et à la souris. Avec une esthétique proche de celle des Damnés de Visconti, cette oeuvre n’a rien perdu de son pouvoir de fascination et les réactions de rejet qu’elle engendra (accusation de complaisance envers la représentation du nazisme) n’enlèvent strictement rien à une évidence: Portier de Nuit est un film cru, brutal et dérangeant.
ANNEE DE PRODUCTION 1974.
Très bonne critique.
Très bon film..
Merci de m’aider à me souvenir de certains films que j’ai vus et pu oublier alors qu’ils ne le méritent pas…