Depuis soixante ans, Traude Kruger enseigne le piano à des détenues en prison. Elle rencontre Jenny, une meurtrière particulièrement violente et rebelle, qui se révèle aussi musicienne prodige. Passionnée par le talent de la jeune fille, Traude veut la préparer au Concours d’entrée du Conservatoire. Mais Jenny, réfractaire à toute forme de discipline, ne se laisse pas apprivoiser comme ça. Obstinée, Traude ne désarme pas et lutte pour que Jenny s’ouvre enfin à elle et accepte de se servir de son don inné…
Un renouveau du cinéma allemand a soufflé dès le début des années 2000 avec notamment les succès consécutifs de L’Expérience, Good Bye Lenin et surtout le fabuleux La Vie des Autres. De quoi faire naitre l’émergence de talents inconnus chez nous, à l’instar de Chris Kraus, jeune cinéaste, signant là sa première oeuvre de fiction et se défendant rudement bien. Quatre Minutes aborde des thèmes comme le poids du passé, la rédemption par la musique, à travers l’affrontement de deux femmes que tout sépare (l’une est vieille, aigrie, droite et surtout fermée et l’autre jeune, instable, violente, presque asociale). Une chose les unit envers et contre tout: le piano et ses trésors majestueux. Sur une mise en scène rigoureuse et surtout un script de belle tenue, Kraus sait emballer avec des séquences émouvantes et évite de justesse le pathos. Il interroge sur les tragédies vécues par ces héroïnes (chacune à leur façon ont subi un lourd traumatisme) dans une Allemagne encore écrasée par les horreurs du nazisme, la culpabilité tenace, le sentiment d’avoir à porter une croix toute son existence. On passera outre des maladresses dans le traitement (entre autres l’utilisation de flash backs sûrement intempestifs) pour apprécier la montée crescendo des enjeux et aboutir à un final d’une intensité folle.
En prime, Quatre Minutes est tenu par deux comédiennes très impliquées dans leurs rôles (Monica Blebtreu et Hannah Herszprung ), unies dans une volonté commune d’élever cette histoire au rang de tragédie ou au moins de puissant mélodrame. Situé pour l’essentiel dans un univers carcéral rude, le film pourrait rebuter, sans la miraculeuse portée des morceaux joués au piano, adoucissant fortement une pesanteur générale. A noter tout spécialement la création d’Annette Focks pour la scène finale, ces fameuses quatre minutes du titre, comme un instant suspendu de libre expression corporelle et artistique pour cette jeune héroïne enragée. Un beau premier film fort recommandable.
ANNEE DE PRODUCTION 2008.