En 1941, Jake LaMotta a tout juste dix neuf ans et une foi absolue en sa bonne étoile. Joey, son frère, le persuade qu’il peut prétendre au titre de champion du monde de boxe. Commence alors un entrainement intensif pour Jake, qui n’en néglige pas pour autant Vickie, sa jeune et ravissante épouse. Avant de se révéler un boxeur hors pair et un homme de plus en plus perturbé…
En gestation depuis le début de la décennie 70, sous l’impulsion de Robert De Niro lui même, Raging Bull mit beaucoup de temps à voir le jour, jusqu’à ce que Martin Scorsese trouve dans cette histoire un de ces thèmes de prédilection: la rédemption. Le réalisateur italo américain évoque donc les moments forts et la chute d’un des plus fameux boxeurs de l’Histoire, Jake LaMotta, dit le Taureau en Furie. Sa mise en scène survoltée et rigoureuse permet de filmer des combats de boxe comme jamais auparavant, sur le ring même, caméra posée à l’épaule et suivant littéralement les combats, les coups, la violence physique et l’adrénaline en direct. Ce biopic ne se contente pas de rappeler les exploits de ce sportif né, il montre aussi sa face bien plus sombre, ses accès de jalousie terrible, sa paranoïa, son incapacité à se maitriser. Scorsese capte la furie de ce personnage hors normes, dévorant son être profond, maltraitant ses proches (notamment sa femme), et surtout tente de ne pas le juger: il le décrit de manière factuelle, sans concessions. L’exploration de cette âme humaine, frustre et brutale, impressionne en même temps qu’elle fascine. D’autre part, l’auteur de Taxi Driver pointe du doigt le revers impitoyable de la médaille et comment un homme adulé et porté au pinacle peut aussi chuter de son sommet et devenir un quasi paria.
Tourné dans un noir et blanc remarquable, dans des flots de sueur et de sang, Raging Bull est une oeuvre électrique à bien des égards, mais tout spécialement par l’intensité de son interprétation. De Niro s’est emparé du rôle de ce pugiliste déchu, a appris en vrai la boxe, sculpté son corps pour le rendre crédible, et enfin pris trente kilos pour accentuer la véracité de sa décadence. Son jeu exceptionnel lui a valu un Oscar en toute logique. Ses partenaires, Joe Pesci (l’autre acteur fétiche de Scorsese) et Cathy Moriarty semblent presque en retrait comparé à cet ogre de l’écran. Ce drame humain cite Elia Kazan (Sur les Quais) pour établir la relation amour/rivalité entre les frères et se termine par un verset de l’Evangile selon Saint Jean expliquant le parcours initiatique d’un « aveugle » finissant enfin par entrevoir la lumière au bout des ténèbres. Avec de telles références, Scorsese assoit définitivement sa place au rang des cinéastes majeurs.
ANNEE DE PRODUCTION 1980.