Au XVe siècle, un bandit reconnait avoir tué un samouraï. La femme du défunt s’accuse du meurtre et un bûcheron contredit ses deux affirmations. L’esprit du samouraï déclare, quant à lui, qu’il s’est tout simplement suicidé. Où est la vérité?
D’après les nouvelles Rashomon et Yabu No naka de Ryunosuke Akutagawa, Rashomon a d’abord une valeur historique capitale: il révéla au monde entier l’existence et l’excellence du cinéma japonais. Le réalisateur de cette perle rare, Akira Kurosawa, signait là son douzième long métrage, mais il s’agissait du tout premier à sortir en Occident. D’une beauté formelle stupéfiante (la photographie en décors naturels conduite par Kazuo Misagawa, un maitre en la matière, est sublime), le film raconte un unique événement relaté par différents points de vues en flash backs: un procédé ordinaire pour nous aujourd’hui, mais totalement novateur à l’époque, permettant à Kurosawa d’interroger les notions de vérité et de subjectivité. Même après moults témoignages, le spectateur ne peut jurer avoir le fin mot de l’histoire, se questionne encore après 1H30 d’images somptueuses. Méditation sur la puissance du Mal et sur la rédemption possible, l’intrigue nous balade entre drame humain et justice, au gré de plans rapprochés ou de plans plus larges de cette forêt où se déroule le meurtre et le viol. Le soleil filmé de face éblouit et met en même temps à jour les vices humains, la nature profondément égoïste de chacun. Les actes horribles auxquels on assiste sont rachetés in extremis par la compassion tardive du final, nous redonnant espoir en l’humanité. Le tout sur une musique entêtante proche du fameux Boléro de Ravel, joué en boucle!
Quant à l’interprétation, elle met en évidence le jeu habité de Toshiro Mifune, au charisme fou, avant qu’il ne devienne la plus grande star masculine japonaise et qu’il n’entame même une carrière américaine. L’actrice Machiko Kyo, immense vedette dans son pays et héroïne d’une centaine de films, souvent dirigés par les plus grands comme Mizoguchi ou Ozu, déploie sa photogénie et ses capacités d’incarnation impressionnantes. Présenté au festival de Venise, Rashomon décrocha le Lion d’Or, influença ensuite des cinéastes majeurs comme Bergman ou Ford, avec son récit fouillé, sa mise en scène ultra moderne et imposa le cinéma japonais comme l’un des plus beaux qui soient.
ANNEE DE PRODUCTION 1950.