Dans le Tokyo de l’immédiate après guerre, un petit garçon erre dans les rues. Hélas, dans ce quartier déshérité de la capitale, personne ne souhaite s’occuper du jeune sans abri. Après tirage au sort, celui ci est finalement confié à Tane, une veuve acariâtre qui n’a jamais aimé les enfants…
Avant de connaitre une décennie 50 absolument majestueuse et riche en chefs d’oeuvres, le cinéaste japonais Yasujiro Ozu avait livré quelques films longtemps restés inédits ou rarement projetés en Europe. Ce Récit d’un propriétaire fait partie de sa filmo de l’immédiate après guerre et on retrouve déjà les traces de son futur cinéma: la simplicité du récit, la pudeur des sentiments exprimés (ou plutôt effleurés), la description de la vie modeste des petites gens dans un quartier où tous les voisins se côtoient et s’apprécient. Cette chronique douce amère raconte l’arrivée impromptue d’un gamin tout seul, livré à lui même, dont personne ne veut avoir à s’occuper. Les habitants hésitent ou refusent tous de prendre la responsabilité de son éducation, se montrent même cruels envers lui, le traitant un peu comme un animal abandonné. Ozu ne fait pas dans le sentimentalisme, n’essaie de pas de rendre sympathique l’héroïne, une veuve d’un certain âge, sèche et dure, laissant entendre que ces êtres humains souffrent encore des effets dévastateurs de la guerre, pensent d’abord à leur propre sort, au risque de paraitre égoïstes. Ce conte à la fois sombre et sobre révèle les talents du réalisateur de Voyage à Tokyo pour dépeindre des personnages en apparence rudes, qui ne demandent qu’à s’attendrir selon les circonstances de la vie. On sent la résilience des japonais palpable et ce film exprime avec une intrigue ténue toute la douleur d’un peuple en reconstruction.
Contrairement à ses futurs opus comme Dernier Caprice ou Le Goût du saké, Ozu se permet plus d’optimisme, moins de mélancolie dans son traitement, ce qui enlève un peu de l’émotion qu’il fut capable de délivrer dans ses oeuvres de la maturité. Ses acteurs fidèles sont déjà présents, comme Choko Ilda et Chishu Ryu, leurs visages nobles et apaisants participant beaucoup à l’intensité de leur jeu. Récit d’un propriétaire annonce le grand metteur en scène qu’Ozu allait devenir, mais reste néanmoins un film mineur dans sa carrière, qu’il n’est pas interdit de découvrir malgré tout avec plaisir.
ANNEE DE PRODUCTION 1947.