1978: depuis trois ans, le Cambodge, devenu Kampuchéa Démocratique, est sous le joug de Pol Pot et ses Khmers Rouges. Le pays est économiquement exsangue et près de deux millions de personnes ont péri dans un génocide encore tu. Trois français ont accepté l’invitation du régime et espèrent obtenir un entretien exclusif avec Pol Pot: une journaliste familière du pays, un reporter photographe et un intellectuel sympathisant de l’idéologie révolutionnaire…
En 2013, le cinéaste franco cambodgien Rithy Panh avait frappé un grand coup avec son documentaire puissant intitulé L’Image Manquante, où il dénonçait le génocide de son peuple par les Khmers Rouges, l’aveuglement de la communauté internationale, l’élimination pure et simple des opposants et des intellectuels notamment. Il avait déjà utilisé le procédé de l’animation à cette occasion, filmant des petits personnages en terre glaise et leur quotidien sous le régime de l’horreur. Cette fois, il choisit l’axe de la fiction pour interroger la représentation de l’innommable et la mélange avec des archives d’époque et de nouveau de l’animation: ces dispositifs s’imbriquent assez mal entre eux et Rithy Panh les agence maladroitement, ce qui empêche l’émotion de circuler harmonieusement. De plus, sa direction d’acteurs laisse un peu à désirer, comme s’il se désintéressait de leur jeu pour se concentrer sur son sujet (qui, bien sûr, lui tient tant à coeur). Il s’inspire du livre de la journaliste Elisabeth Becker, dans lequel elle essayait de comprendre les raisons de cette dictature: Panh s’éternise surtout sur les mystérieuses disparitions de milliers de gens, sur les mensonges édictés par les cadres dirigeants et la prise de conscience progressive des reporters sur place, témoignant de la situation réelle vécue par le peuple opprimé.
Ses deux acteurs principaux, Grégoire Colin et Irène Jacob (bien rare sur les écrans depuis des années) sont immergés dans ce pays en tension, risquant sans le savoir leur vie à vouloir dénoncer de simples faits: Panh leur a peut être demandé de « jouer » de façon un peu neutre (étant donné qu’ils ne sont là que pour rendre compte sans jugement à priori), en tout cas ils ont été meilleurs dans Beau Travail pour lui et La Double Vie de Véronique pour elle. Rendez vous avec Pol Pot nous interpelle malgré tout par sa très louable intention: celle de pointer du doigt une idéologie responsable de la mort de millions d’innocents. D’ailleurs, les horreurs perpétrées, même non montrées frontalement, hantent la plupart des plans de ce film qui ajoute une pierre à l’édifice contre l’oubli.
ANNEE DE PRODUCTION 2024.
