Huguette, une jeune femme, est abandonnée sur une aire d’autoroute par son fiancé, à la suite d’une énième dispute. Elle croise alors la route d’un inconnu, Pierre Laclos, qui est un peu magicien, un peu écrivain, peut être tueur en série, ou bien tout cela à la fois? A moins que ce ne soit que les bribes de personnages du nouveau livre de la célèbre romancière Judith Ralitzer, très en vogue et très aimée, malgré qu’elle même cache de lourds secrets…
Il n’y a rien de plus ludique, de plus jouissif et de plus malin qu’une histoire à tiroirs, où tout s’imbrique avec bonheur, alors que dès le départ, rien ne semblait évident à recouper, que tout portait à croire au contraire du dénouement attendu. Et ce long métrage de Claude Lelouch en est une parfaite définition: un thriller malicieux, jouant sur les codes du genre tout en les détournant, alignant des indices tout en fabriquant des intrigues annexes en apparence éloignées du sujet, mais qui finissent par admirablement se rejoindre. Dans Roman de Gare, tous les personnages se font passer pour ce qu’ils ne sont pas, mentent par calcul, par amour, par intêret et choisissent des routes où ils entrainent le spectateur captivé et accroché. Le réalisateur d’ Un Homme et une Femme laisse tomber ses habituels hasards et coincidences amoureuses, sa philosophie pompeuse sur la vie et la destinée, pour offrir un de ses récits les plus aboutis qui soient! Bien sûr, il bluffe, il manigance, il manipule, mais c’est pour mieux nous divertir et nous emmener loin dans son imaginaire, très inspiré cette fois.
La noirceur paradoxalement douce du film ( une romance se joue en creux et très subtilement) passe par des dialogues enlevés, intelligents et le rythme sans fausse note permet de gober les faux semblants les plus énormes. L’originalité et l’imprévu sont au rendez vous et même si l’on reconnait bien sûr le style Lelouch, il semble ici débarrassé de ses penchants les plus pénibles. La fluidité des situations n’a d’égale que l’interprétation des trois comédiens principaux. D’abord Dominique Pinon, rarement en tête d’affiche, et qui incarne un homme multiple, charismatique et impénétrable avec maestria. Ensuite Fanny Ardant, toujours merveilleuse, joue la romancière aux deux visages et passe du brun au blond avec une classe identique. Enfin, la révélation vient d’Audrey Dana, lumineuse, étonnante et au tempérament bien trempé. Au final, Lelouch réalise son meilleur film depuis longtemps et n’a pas fait mieux depuis non plus! Un cru bien savoureux.
ANNEE DE PRODUCTION 2007.